Ma passion dévorante pour West Side Story n'a pas commencé comme on pourrait le croire par une projection du film mais par sa musique. Intégré à un projet musical collégien traitant de cette dernière, je me suis vite procuré la bande son, non du show de Brodway comme je l'espérais, mais du film.
Que dire de cette BO ? Déjà, point important, si la musique de Leonard Bernstein est globalement juste magnifique, exceptionnelle, à t'arracher des larmes de pure joie ou d'excitation de l'âme, elle n'en est pas moins réduite, tronquée, résumée, réorchestrée pour les besoins du film. Une chanson comme Jet Song est amputée de plusieurs couplets et de feuillets de partitions entiers équivalent à trois minutes par exemple. Des dialogues du film s'insèrent dans les passages chantés... On écoute bien la BO du film, pas la partition complète de Leonard Bernstein.
Ensuite, l'enregistrement date de 1961 et a forcément vieilli au niveau de la science du mixage. Le film fut tourné en stéréo 4 pistes de façon presque rudimentaire, qu'on retrouve sur la BO. Si son emploi donne une magnifique ampleur à la musique de Bernstein sur certains titres (Overture, The prologue, Quintet, Rumble, etc), d'autres, notamment les duos, ont à mon sens exagéré l'emploi de la stéréo en positionnant chaque soliste à une extrémité. Résultat, on a l'impression qu'ils se chantent des mots d'amour en étant à 30 mètres de distance l'un de l'autre... L'effet est aggravé quand on écoute au casque, a entendre Tony chanter la sérénade à notre oreille gauche, puis Maria répondre trente secondes à notre oreille droite...
Malgré ces défauts qui, soyons honnêtes sont tout à fait pardonnables, cette BO reste un festival sonore, à la fois exigeant et accessible. Bernstein, en compositeur chef d'orchestre accompli, sait raconter une histoire par l'emploi juste des cuivres, des vents et percussions symphoniques, invoque des instruments hors orchestre symphonique comme la batterie ou la guitare quand il le faut. De fait il applique une science de la musique dite "classique" à des rythmiques latino jazz décoiffantes. Son sens du récit musical est splendide, les instruments sont de vrais personnages, notamment lors de Overture, condensé superbe des thèmes majeurs de West Side Story résumant l'ensemble de l'intrigue (Je vous renvoie à la critique du film de @Adobati qui a parfaitement explicité le génie de ce générique d'introduction et je suis d'accord avec lui, quand on lit certains qualifier ce passage de "musique inintéressante" et "Interminable", on a effectivement envie d'autoriser les descente de lit en peau d'espèces en voie de disparition).
Ensuite, forcément, la BO de West Side Story écoutée seule est privée des magnifiques chorégraphies de Jerome Robbins. Ainsi, un morceau comme Cool reste très agréable à écouter mais n'a plus la force dantesque de la danse l'accompagnant, qui en fait la meilleure scène du film. Paradoxalement, certains morceaux sont en revanche encore plus appréciables sans l'image qui déconcentre l'auditeur. C'est particulièrement le cas pour le Quintet où l'on peut réellement apprécier l'ensemble des mélodies, instruments et voix entremêlés, plutôt que de se concentrer sur celle qui est liée à la scène projetée à l'écran.
Tout ça pour dire que la BO de West Side Story est un chef d'œuvre en tant que tel. La musique de Leonard Bernstein m'évoque une sauvagerie mystique, puissante, domptée par une partition millimétrée, rigoureuse, tout en tempos torturés qui ne laissent pas l'auditeur souffler. Et il en redemande. L'union parfaite du Jazz et du classique. Une performance. Oui, Bernstein voulait faire de West Side Story un opéra, et cela transpire dans la majesté de ces arias, dans la force de ses mouvements qui vont et viennent, changeants, mouvants. Tous superbes.