J'ai beaucoup aimé cet album sans le E Street Band, qui ne ressemble à aucun autre dans la discographie de Bruce, à un moment où il va fêter ses 70 ans. Certain(e)s des compagnons de route du groupe ne sont pas complètement absents: Patti Scialfa, Charlie Giordano et Soozie Tyrell figurent parmi les musiciens ainsi qu'un très ancien membre, David Sancious! Qu'on n'attende pas ici d'hymnes "springsteeniens" comme on les connaît, capables de faire chanter et danser un stade entier, ça n'est pas le propos ici. Bruce nous emmène en voyage avec lui vers l'Ouest et le Sud des Etats-Unis (Tucson Train, Somewhere North of Nashville...), les lieux cités sont nombreux, nous embarquant en Californie (Santa Ana dans Western Stars, San Bernardino). On est loin du New Jersey ce coup-ci et de ces clubs de rock (où le jeune Bruce a appris à tenir une scène) et c'est tant mieux, c'est dépaysant! Les thèmes de la voiture, de l'errance, de la frontière souvent utilisés par Bruce, sont un peu le fil directeur de ces morceaux: Hitch Hikin', The Wayfarer, Drive fast... Certains des mythes fondateurs du pays qu'on retrouve dans ses chefs d'oeuvre bruts (voire durs) que sont Nebraska et The ghost of Tom Joad mais la façon dont Bruce les évoque est plus surprenante, plus lumineuse, peut-être plus sereine avec l'âge: arrangements très soignés, orchestre de cordes qui donne un relief magnifique, une certaine douceur...On pense forcément aux arrangements brillants de Burt Bacharach des années 60! Voyage mélancolique oui mais sans la noirceur et la violence de Nebraska, un voyage tout en couleurs (voir la très belle pochette, une des rares de sa discographie où Bruce n'apparaît pas). La polémique sur Hello Sunshine, rappelant c'est vrai pas mal Everybody's talkin', est stérile. Il reste un très bel album, différent et nostalgique, country et folk, de toute façon bien meilleur que Magic ou Working on a dream...