Wild Onion
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Wild Onion

Album de Twin Peaks (2014)

Constamment en recherche de nouveaux sons, écoutant tout ce qui me passe sous l'oreille et qui ressemble de près ou de loin à de la musique, feuilletant sans cesse les fanzines rock (en réalité, uniquement Rock & Folk), à la recherche du graal perdu (l'album de rock ultime de la trempe d'un Who's Next), animé en permanence par ma curiosité insatiable, il était évident que je tombasse sur ce petit bijou qu'est le Wild Onion de ces Twin Peaks qui n'ont de Lynchien que le nom, leur musique n'ayant rien de marginale et s'inscrivant, bien au contraire, dans la grande tradition du rock le plus pur qui soit.


Ce disque... quelle claque mes enfants.


Tous les titres ont ce petit quelque chose que l'on pouvait croire perdu depuis Chuck Berry ou les Beatles (dis-je, à peine élogieux) : la rage adolescente, naïve, fulgurante, urgente, brulante et fiévreuse, que l'on peut entendre là partout, quelque soit le morceau choisit. Et je n'ai pas le sentiment d'exagérer mes propos en disant tout cela des magnifiques compositions de ces petits perdreaux, génies puceaux boutonneux réussissant là l'exploit de sonner à la fois comme des groupes aussi prestigieux, divers et variés que les romantiques Flamin' Groovies (avec ce « Telephone » majestueux), les Kinks ou les Beatles, ce qui n'empêche pas au passage, de donner l'impression lassante à l'auditeur moyen de ne rien entendre de neuf dans cette croisade difficile pour ne pas dire impossible qu'est la recherche d'un son rock absolument nouveau et rafraichissant (à priori, tant ce qui paraît résolument neuf vient forcément de quelque chose de déjà existant), tout en accomplissant la prouesse, paradoxalement, de nous faire entendre un truc qui n'aurait jamais été fait auparavant.


Et comment les Twin Peaks ont-ils réussit à me convaincre de pareille performance ? Pardi, par ce cynisme et ce sentiment de trangression qui transpirent par tous les pores de chaque note, par cette conviction de jouer et de chanter, de faire de la musique tout simplement, de se lâcher sur un solo en apparence insignifiant mais tellement franc du collier qu'il remporte automatiquement l'adhésion. Par cette simplicité désarmante et honnête de jouer avec spontanéité, par cette évidence de faire de la belle musique, du beau rock, sans que la production soit aussi incroyablement chiadée que le dernier disque des Foo Fighters, sans que les musiciens aient besoin de se la péter par un solo dont le but serait d'étaler une dextérité à outrance.


Sur les 16 morceaux que nous offre généreusement le groupe dans cette galette des rois, prenons au hasard « Good Lovin », qui rendra à n'importe quel vieux con puriste de rock estampillé et buriné 70's son cœur de jeune ; le guitariste nous claque ici un de ces motifs de gratte inoubliables qu'on n'avait pas entendu depuis le Keith de la grande époque (Sticky Fingers). Vous êtes un rocker pur et dur, et vous voulez un riff qui envoie du pâté ? Augmentez donc le son de votre tourne-disque au maximum et faites vous pêter les tympans avec « Strawberry Smothie », le résultat est garanti d'avance ...vous allez vous faire dessus.


Le revival psychédélique à ceci d'incroyable depuis le délicieux "Lonerism" de Tame Impala qu'une pléiade de groupes (tels Temples, Foxygen, Doug Tuttle et consorts) s'empressent de se fondre dans ce faux courant musical passéiste pour y ajouter son empreinte, sa marque de fabrique dans le but à peine intéressé de participer collectivement à la création d'un son spécifique à notre époque. Problème... le courant musical psychédélique de la fin des anneés 1960 était aussi étroitement associé au mouvement hippie, et à tout le chambardement économico-socio-politique propre à cette période (il suffit d'écouter les deux premiers disques de Coutry Joe & The Fish, de Jefferson Airplane ou le fabuleux Aoxomoxoa du Grateful Dead (et j'en passe...) pour s'en convaincre).               

Allez... en cherchant bien... on pourrait trouver tout un paquet de thèmes fédérateurs si caractéristique de notre époque... Charlie Hebbdo, la crise, la pollution, etc. Mouais. Peu importe à près tout, ce retour en force d'un rock psychédélique dans la plus pure tradition qui soit est dans l'air du temps, et c'est comme ça. « Mirror Of Time » nous le rappelle à travers ses constellations d'arpèges folk et ses harmonies vocales inspirées. Un morceau aussi bon qu'une chanson des Byrds, période « Younger Than Yesterday ». « Strange World » nous éclate à la gueule un riff d'étudiant en art, digne des Ventures, et les voix ont ce je-ne-sais-quoi qui me me renvoie curieusement à ce sentiment amoureux que les Stone Roses faisaient passer dans leurs chansons (allez savoir pourquoi, c'est simplement le pouvoir d'évocation de la musique). Puis c'est la déflagration punk avec « Fade Away », au riff quasiment aussi couillu que celui de "Search and Destroy". Bon sang, je crois bien que je n'avais jamais entendu un disque m'évoquant autant de groupes connus à la fois. Mais quelles sont leurs véritables influences, directes ?


Un disque aussi puissant, romantique et classiciste que le "Shake Some Action" des Flamin' Groovies, aussi pur qu'un Byrds, un disque généreux, un disque aux vertus insoupçonnables. 

Foncez l'acheter, faites-moi confiance. Et pour finir, je dirai qu'à la question de savoir comment se porte le rock aujourd'hui, cet art moderne si imprévisible, je dirai qu'avec cette galette, il confirme tout le bien que j'ai toujours pensé de lui son regain de forme, et surtout, qu'il a de beaux jours devant lui.


Rock 'n roll.

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le 22 mars 2015

Critique lue 385 fois

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Errol 'Gardner

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