Il est de bon ton de dénigrer le metal de façon générale. En effet, cette musique de sauvage réputée pour sa violence ne peut pas plaire aux hommes de bon goût qui eux écoutent du jazz ou de la musique classique pour les plus érudits. Ça tombe bien car nous ne parlerons pas de metal aujourd'hui! Ha bon? Pourtant Ministry c'est du metal non? Et plutôt violent en plus en général non? Et ben...pas en 1983...Ministry au départ c'était...........DE LA NEW WAVE!!!! Donc l'album que je m'apprête à chroniquer est un album maudit à plus d'un titre : d'une part il est congédié par les "fans" du groupe qui ne voient dans cet album qu'un disque de pop bien soupasse et daté qui ne possède pas le "son" rageur et surpuissant qui fera la renommée du groupe (mais il en va de même pour son leader Al Jourgensen qui n'apprécierait sans doute pas qu'on lui refoute sous le nez certaines des kitscheries présentes ici à mon avis)! D'autre part, le public visé par cet album (les amoureux de la pop romantique des années 80 ou de la musique disco) ne doit sans doute pas connaître l'existence de ce disque et lui préférer (à supposer que cela soit le cas) des références (sans doute?) plus solides de la même époque : Depeche Mode, The Cure, ou même Police (dont Ministry fera la première partie à l'époque!).
Bref, ce disque est maudit...il est par ailleurs devenu extrêmement difficile de se le procurer (tout au plus est-il condamné à devenir une lubie de collectionneur!). Et pourtant? Mérite t-il d'être conspué ou traîné dans la boue ce disque dont rien que le nom a quelque chose de sympathique? Cette question rhétorique est là pour sous-entendre que : non. Alors certes, ce disque dépare sévèrement avec le reste de la discographie du groupe et on peut affirmer sans aucun doute que ce n'est tout simplement pas le même groupe qui a enregistré cet album que celui qui enregistrera plus tard le mythique "Psalm 69". Mais cet "accident" de début de carrière n'en demeure pas moins un bon petit album sympathique et dynamique...il est même "nécessaire" dans la discographie de Ministry pour expliquer quelle est la source d'influence initiale d'un groupe qui a donné naissance au metal industriel en combinant avec génie par la suite les synthés et les guitares lourdes.
Maintenant que le background historique (conséquent) a été posé autour de cet album il convient de l'examiner en lui-même. Tout commence avec "Effigy (i'm not an)" un peu lourd et très daté niveau sonorité mais qui possède tout de même un rythme entraînant et un soupçon de noirceur qui sera parfois présent sur ce disque (le plus lumineux de la discographie du groupe) à très petites doses. "Revenge" en revanche (je l'ai pas fait exprès celle-là) a tout du tube pop classique et réussi! C'est kitsch à mort mais c'est extrêmement efficace, les synthés sont vieillots mais mélodiques, les refrains sont catchys et un brin addictifs...et Al Jourgensen (assez jeune et méconnaissable à l'époque) non seulement chante (ce qui est rare) mais en plus chante bien...hormis ce fameux faux accent Anglais que certains s'empresseront de railler. La suite est très réussie dans son genre : "I wanted to talk her", par exemple, est remarquable d'ingéniosité : les chœurs féminins (assurés par l'ancienne femme de Al je crois) sont vraiment bien placés et le rythme funky est vraiment une curiosité quand on sait à quel point la musique de ce groupe est ultra carrée et froide habituellement. La funk semble également fusionner avec la new wave sur le morceau suivant (Work for love) le tout est malheureusement un peu gâché par des chœurs (masculins cette fois-ci) qui font l'effet d'un WOAH un peu pataud (genre je me suis planqué derrière la porte et j'ai voulu te faire peur). Les cuivres sont parfois présents également pour un résultat...parfois inégal, le tout sonnant malheureusement bien souvent daté. "What he say" fait même un peu de la peine à entendre avec ses synthés dégoulinants faisant mauvais effet.
Sur "Here we go" le groupe semble emprunter de façon discrète la voie d'une électro pop martiale un peu tapageuse qui fera office de transition sur le disque suivant vers le metal industriel...c'est en tout cas, ici, un peu lourdingue et assez peu convaincant. Les deux derniers morceaux du disque lorgnent vers une pop romantique assez touchante (avec un côté presque "grave" sur "Should have known better") qui confère au groupe un semblant de profondeur. "She's got a cause" est une chanson mélodique et entraînante qui gagne à être redécouverte et qui termine le disque sur une note enjouée.
Au final que penser de cet album? Que c'est un bon album de new wave qui contient quelques réussites (la première moitié du disque surtout) mais aussi quelques fautes de goûts pénalisantes qui empêchent l'album de traverser sereinement l'épreuve du temps. "With sympathy" ne représente pas du tout Ministry? Et bien tant mieux pour ceux qui n'aiment pas le metal et encore moins le metal industriel...cela leur fera une bonne occasion de découvrir une facette mélodique et délicate très peu présente dans la carrière du groupe par la suite! Tant mieux également pour ceux qui n'aiment pas la pop ou la new wave...ils se coucheront moins cons ce soir en ayant appris qu'un des groupes de metal les plus influents et novateurs de tous les temps a goûté au fruit interdit le temps d'un ou deux disques...
L'influence new wave aura beau disparaître rapidement par la suite...elle ne quittera jamais totalement certains aspects musicaux du groupe qui prouvera que froideur synthétique et violence musicale peuvent se marier à merveille...et c'est ainsi qu'un nouveau genre naîtra! Reste cet album...marqueur historique intéressant de son temps et de son groupe qui fascine autant qu'il ne déroute l'auditeur persuadé de connaître Ministry. "Twitch" sera déjà bien différent sans pour autant quitter totalement le terrain de la musique pop...... A suivre!