Cela peut sembler un peu péteux comme entrée en matière, surtout pour un album qui ne ressemble pas non plus à aucun son écouté avant. Mais c'est bien, il me semble, l'objectif auditif du génial Arthur Brown et son Crazy World, auteur du fameux titre des années 60 Fire (https://www.youtube.com/watch?v=NOErZuzZpS8), qu'il serait bien dommage de lui en tenir comme seule réussite.
Même 50 ans après, l'artiste que je n'ai découvert que récemment continue d'étonner, de créer des sonorités chamaniques complètement folles et entêtantes. Dans Zim Zam Zim, les premières notes qui retentissent à nos oreilles sont des sons lancinants de saxophones, poursuivi ensuite par une voix grave nous invitant à la danse. Une danse qui nous ferait revenir aux premiers temps de la civilisation. Les chants incantatoires peuvent commencer. "Let the vision come".
Mais au fond, Zim Zam Zim est timide. Il cherche d'abord à nous apprivoiser avec des sonorités japonaises, un rythme entêtant, un chant qu'on pourrait presque imaginer en karaoké. "Want to Love", en toute logique, est une ballade romantique étrange.
Maintenant que nous sommes apprivoisés, vient la "Jungle Fever", la fête peut enfin commencer. Un fond sonore de jungle, des sons rapides et pincés d'un instrument à corde qui semble venir d'Asie, une voix prophétique et puissante, c'est tout ce qu'il y a besoin pour qu'on commence à sentir nos racines pousser à nos pieds jusqu'à atteindre nos oreilles.
Et puis misère, nous entrons déjà dans l'inconnu, "The Unknown". Comme si on avait voyagé de plusieurs siècles, on se retrouve dans une ambiance de cirque, qui ne dénature pourtant pas avec l'ambiance tribale et festive des précédents morceaux. Un peu comme si Baloo du Livre de la jungle avait bu un peu trop de cognac. Le piano et l'accordéon, eux aussi, s'accordent bien avec la voix d'Arthur Brown.
Peu à peu, comme la tribue découverte se sentait de plus en plus à l'aise, les rythmes se font plus rocks, la parenthèse tragique d'"Assun" laisse place aux rythmes swing presque rockés de "Muscle of love" et "Junkyard King".
Le chant mélancolique "Light Your Light" paraît en apparence plus faible, comme si cela nous faisait un peu sortir du voyage, et pourtant la force mélodique du morceau ressors indubitablement. On sent l'Arthur Brown plus sincère, jouant moins avec son masque chamanique qui lui donnait un tel charisme intriguant.
Enfin, assurément les deux morceaux les plus étranges de l'album, les plus longs aussi, "Touched by all" et "The Formless Depths of Zim Zam Zim". L'ambition de ces deux titres est claire, c'est la dernière tentative de la tribu pour nous envouter, avec d'abord un morceau répétitif mais entêtant, aux relents légèrement jazzy à la Claude Nougaro, qui se laisse doucement approcher avant de lâcher des saxos rapides.
Le temps d'un dernier morceau, Arthur Brown remet son masque et incante un dernier chant qui prend aux tripes. Seuls éléments pour nous aider : un inquiétant son de tuba et des coups secs de percussions tribales.
Nous voilà enfin emprisonnés à jamais sur le territoire de Zim Zam Zim. Des créatures rugissent, un souffle tonitruant se fait entendre, puis disparaît, peu à peu...