Jean Michel Jarre a une sale réputation, celle d'un frimeur qui fout sa main sur des lasers avec un visage blasé afin de faire sortir une dizaine de notes, bref, de la poudre aux yeux. Jean Michel Jarre est connu pour avoir fait des morceaux plutôt entêtants et irritants à force (notamment les "tubes" de l'album Oxygène), qui sont des morceaux plutôt faits pour illustrer des pubs télé que des morceaux d'une grande qualité. Accessoirement, beaucoup le connaissent également parce qu'il est un artiste qui a battu records sur records lors de concerts évènementiels qui ont rassemblés des millions de gens...
Mais bon, musicalement au final, Jean Michel Jarre c'est quoi ? Plus de 30 ans de carrière, des premières années très intéressantes (Oxygène, Équinoxe), une fin de carrière assez tumultueuse et de mauvais goût (de nombreuses rééditions inutiles, Téo & Téa...), et entre tout ça, Zoolook.
Cet album sort en 1984, en plein boom de la musique électronique. Les albums précédents du Lyonnais ont marqué le monde de la musique, des populaires aux initiés, et partout ailleurs, notamment en Allemagne, cette musique se développe de façon incroyable (Tangerine Dream, grande référence, mais aussi Vangelis et même Kraftwerk par exemple dans le domaine d'une musique plus pop). Pourtant, Zoolook va réussir à créer une petite révolution en utilisant pour la première fois un très grand nombre de samples. En effet, c'est une vraie avalanche de samples en tout genre qui permettent l'élaboration de la musique de cet album, notamment les fameuses 25 voix ethniques, utilisées comme percussions. Cet avant-gardisme incroyable fera de l'album un des plus importants de l'année 1984, multi-récompensé et très influent pour les musiques électroniques futures.
Mais bon, la reconnaissance c'est une chose, mais qu'en est-il de la musique en elle même ? Et bien cet album, contrairement à une grande partie de l'œuvre de Jean Michel Jarre, ne présente pas ce caractère très spatial, éthérée, qui est caractéristique pourtant d'Oxygène, des Champs Magnétiques, etc... Et ne présente pas non plus le caractère populaire un peu « crade » de titres comme les Calypso... Bref, c'est un album très vivant, organique, qui prend sa source dans des sons primaires, Jean Michel Jarre étant notamment aidé par l'ethnologue Xavier Bellenger. Il en résulte un album parfois très angoissant (l'incroyable Ethnicolor, sûrement un des plus grands morceaux de Jean Michel Jarre), parfois très dansant (Zoolookologie, très prenant). La musique se libère de toute préoccupation de timbre, grâce à l'apport des samples, elle évite des sonorités trop kitschs ou déjà entendues, et c'est donc tout un répertoire qui se renouvelle. En plus, Jean Michel Jarre saura s'entourer jusqu'au bout et on peut entendre Marcus Miller à la basse dans cet album, et c'est un plus non négligeable !
Au final, même si parfois certaines mélodies ne sont pas très inspirées, si certains morceaux peuvent sonner un peu faux, cet album transpire l'inventivité, et pour une fois, Jean Michel Jarre aura réussi à faire un album qui ne vieillit pas (trop). Certains passages sont vraiment impressionnants, viscéraux notamment dans Ethnicolor, et on se retrouve face à un album très important, autant dans l'histoire de la musique électronique qu'important par sa qualité intrinsèque. Et si vous n'êtes pas convaincu, écoutez les 11 minutes d'Ethnicolor, et objectivement, venez encore dire que Jean Michel Jarre est un artiste ridicule qui a fait tourner sa musique vers une pop-electro primaire dégueulasse... Ce n'est pas le cas, enfin, pas en 1984... Malheureusement je ne sais pas si on peut en dire autant par la suite.