Puisque lire du Marvel (comme voir un anime) nous ramène toujours à l'enfance, je dois avouer qu'Iron me plaisait beaucoup quand je feuilletais à la dérobée les minces volumes mal rangés des bureaux de tabac. Lire aujourd'hui ses aventures en continu est une expérience étrange, finalement assez proche de l'écoute, adulte, des chansons de Bobby Lapointe (Ah! Faire la nique à une grande raie publique!).
Expédions ce qui saute aux yeux et qui n'est pas un petit morceau à avaler: Tony Starck est l'emblème de l'Amérique, bien plus que Captain America. Fabricant d'armes privé, il collabore étroitement avec son gouvernement par patriotisme et poursuit ses recherches pour conserver la supériorité de son pays sur tous les autres. Voilà pour le complexe militaro-industriel (en un seul homme). Ce volume 3 de l'intégrale balaie un spectre impressionnant d'ennemis de l'Amérique: Maffia (Maggia...), URSS, bien sûr, mais aussi Cuba (portrait étonnant de Castro), Chine (le Mandarin, soit-disant indépendant mais bon) et Vietnam, Iron Man reçoit des ennemis de partout, même du centre de la Terre (l'homme-taupe) ou va à leur rencontre. Les ennemis purement "comics" sont finalement rares: Namor apparaît au début, Melter et la Gargouille ensuite. Face aux ennemis politiques ou simplement crapuleux, Iron Man prouve sans conteste la supériorité de l'intelligence, de l'ingéniosité américaine. Alors que ses ennemis tablent sur un seul point fort, il utilise des techniques variées et des ruses inattendues.
Tony Starck incarne la foi dans le progrès humain à l'américaine: du moment qu'il est dans de bonnes mains (vision d'une démocratie ultra-représenative ou aristocratique). Le danger vient souvent du risque que les secrets de l'armure ou les talents de Starck servent aux mauvaises personnes/organisations; la technologie est bonne en soi (c'est elle qui sauve le héros, toujours) mais l'homme est peccaminieux. Ainsi, le Sénat renoncera à demander à Starck de révéler le fonctionnement de l'armure, parce "l'armure d'Iron Man est trop puissante pour être confiée au commun des mortels".
Voilà donc ce qui est difficile à avaler: qu'Iron Man soit à ce point porteur de l'impérialisme de son temps. Toutefois, on a droit du coup à des répliques merveilleuses comme:
"Ha! La peur te force à fuir, maudit capitaliste dégénéré!"
"Impossible qu'un homme ait autant d'admiratrices (c'est pour ne pas dire"coups d'un soir")! C'est presque... antiaméricain!"
Une fois ce pan important de l'œuvre mis de coté, j'avoue (je confesse!) mon plaisir à goûter
- les efforts de Stan Lee pour trouver des vilains à la hauteur de son Vengeur Doré: un qui fond tout et l'autre qui durcit tout; un qui possède une armure plus puissante et l'autre (deux autres, en fait) un esprit aussi avancé...
- ses commentaires ironiques sur les résumés de l'épisode précédent prononcés par les personnages eux-mêmes.
- les coups du sort (manque d'énergie, présence incongrue d'un personnage...) qui rendent possibles un doute sur la victoire du héros et le deus ex machina de l'épisode "Maggia" , autant de petits trucs feuilletonesques qui rendent la lecture ludique.
- enfin, et surtout, la complexification croissante des histoires: qu'on compare les deux épisodes où apparaît Titanium Man pour voir s'approfondir la motivation des personnages. C'est toujours intéressant de voir quelqu'un progresser, même si c'est pour passer du très con au tout de même un peu con.
Finalement, j'aime toujours bien Iron Man, même si ce qu'il représente dans ces années-là me répugne, ce qui n'est le cas ni de Hulk, plus définitif sur les bienfaits du progrès humain, ni de Spider Man, plus rigolo.
Allez, un petit dernier pour la route:
"Je dois anéantir le village et sa population (vietnamienne), et les bombardiers américains seront accusés du carnage"
So 67...
Surestimé
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le 23 févr. 2011

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