Et on replonge dans un petit bout de l'histoire de Marvel (la vraie compagnie, celle qui fait des BD), cette fois avec la machine temporelle réglée sur 1976.

Après 1982,

Après 1973,

Après 1968,

Après 1984,

La charmante collection de Panini se poursuit, et c’est cette fois 1976 à l’honneur. Le principe est le même, une année, près de 175 pages d’épisodes de cette époque, pour découvrir les récits emblématiques de Marvel publiés mais aussi quelques petites surprises parfois inédites chez nous. De quoi faire une petite plongée dans un bout d’histoire de la compagnie avec de bonnes lectures.

Contrairement à la coutume qui voulait que ce soit Spider-Man qui ouvrait le bal de chaque numéro, cette fois c’est ce bon vieux Dr Strange en première partie. Le docteur illustre la couverture signée Alex Ross, et ce devait probablement pour accompagner la sortie de Doctor Strange in the Multiverse of Madness avant que le film ne soit repoussé.

C’est un Annual (épisode annuel plus touffu en pages que ceux réguliers) de la série Dr Strange qui nous est proposé, une aventure assez unique qui avait été inédite en France pendant 40 ans, édité pour la première fois dans l’anthologie Je suis Dr Strange en 2016. Panini nous offre donc à nouveau cet épisode mal connu signé P. Craig Russell. L’auteur est inconnu sur nos terres, mais aux États-Unis après ses passages chez Marvel il était un récompensé récurrent dans les années 1990 et 2000 des prestigieux prix Eisner, ayant depuis fait sa carrière dans le roman graphique. Cet Annual fut d’ailleurs redessiné par ses soins en 1997 lors d’une réédition.

Nous avons donc ici la version première de l’épisode, dont le trait fin et gratté est malhabile, mais prometteur, tandis que la mise en scène est elle assez avant-gardiste pour l’époque, loin d’un certain classicisme habituel. Le Dr Strange se rend sur une dimension magique, Phaseworld, où ses pouvoirs sont convoités. L’histoire est mystique et magique, mais possède aussi une certaine forme de tragique, où la fatalité n’est jamais loin. P. Craig Russell adaptera plusieurs opéras en bande dessinée, dont il était fan, et on perçoit dans cet épisode cette influence assez peu présente dans le monde des comics.

Le Tisseur de toiles n’était pas loin, puisqu’il est présent dans le second épisode, pour le premier titre de sa deuxième série régulière, Peter Parker, the Spectacular Spider-Man. Une deuxième série lancée peut-être trop tôt, car plusieurs scénaristes vont se succéder lors de sa première année de parution. L’épisode est très classique, comme le trait de Sal Buscema (qui fera des étincelles ans plus tard sur le même titre). La confrontation contre la Tarentule est d’autant plus cruelle que dans mes souvenirs c’était un super-vilain assez charismatique et trop peu utilisé (matez cette superbe couverture du Français Jean Frisano pour Strange n°116) alors qu’en fait pas du tout, c’est un méchant mexicain qui se bat avec le bout pointu de ses bottes. Bof.

Mais 1976 c’est aussi une autre figure légendaire de Marvel qui revient, Jack Kirby, une collaboration avec la compagnie qui s’arrêtera à nouveau en 1978 pour les habituels problèmes de reconnaissance de Marvel pour ses artistes. Cette année, le King reprend sa création, Captain America, mais crée aussi une nouvelle série, les Eternels, dont la présence dans ce numéro n’est pas seulement dû au succès récent du film.

En effet, avec Les Eternels Jack Kirby propose une nouvelle strate de l’univers Marvel, entre cosmique et mythologie, ses deux sujets de prédilection. Ce premier épisode n’est que le premier d’une suite à lire comme une cosmogonie dont seules les premières pages sont ici offertes, laissant une bonne partie du mystère encore intact, créant une curiosité forte pour en découvrir plus. Le manichéisme entre les Déviants et les Éternels est d’une simplicité pure, mais qu’importe. Jack Kirby est dans une grande forme, proposant des planches au sens certain du spectacle, sachant jouer de la dramaturgie d’un tel récit, à l’exagération suffisante pour imposer ses nouveaux mythes.

Nova est une autre petite surprise, une délicate attention de l’avoir inclus là, car la série fut un petit échec lors de sa sortie, ne dépassant pas les deux années de parution. En France Lug l’avait pourtant choisie pour être la vedette d’une de ses nouvelles revues, Nova, avec la réedition de la série Silver Surfer mais aussi la deuxième série de Spider-Man, citée plus haut. Alors que l’éditeur ne choisissait que rarement le nom d’un héros pour ses revues, préférant des titres plus génériques (Strange, Special Strange, Titans, etc.). Sauf erreur de ma part, cette série Nova n’a d’ailleurs jamais été réedité, bon courage pour la lire en retrouvant les numéros de la revue Nova française.

C’est bien dommage, car même si le héros eut de nouvelles séries au fil des décennies, cette première est très plaisante, maniant le cosmique et le terre-à-terre avec le bon dosage, que l’on doit à Marv Wolfman. Le scénariste est une figure majeure du comics, à qui on doit aussi bien de très bons épisodes sur différentes séries Marvel ou DC, dont ses créations très différentes, le gothique Tomb of Dracula, le super-héroique attachant New Teen Titans ou l’épique crossover Crisis on Infinite Earths qui réecrit l’histoire de DC en douze épisodes incroyables.

Sur Nova, l’inspiration vient de Green Lantern : un jeune adolescent, Richard Rider, reçoit d’un soldat cosmique d’une organisation spatiale, le Nova Corps, un casque qui lui donne de nouveaux pouvoirs. Mais il s’agit surtout de réitérer ce qui faisait le succès de Spider-Man à ses débuts, avec d’ailleurs le même dessinateur, John Buscema, classique mais efficace, avec des préoccupations adolescentes, un casting humain et une certaine empathie pour ses personnages. Rich’ est l’ado mal dans sa peau, pour qui être Nova lui offre un nouvel exutoire mais aussi de nouvelles responsabilités. C’est léger (à l’image de la menace réglementaire de cet épisode) mais sans être idiot, pour se révéler assez attachant.

Entre le cosmique de Nova et celui de Jim Starlin pour cet épisode 15 de Warlock, ce n'est pas la même échelle. Jim Starlin avait repris le personnage crée par Stan Lee et Jack Kirby en 1967 pour en créer une version torturée et paranoïaque, puisque l’un de ses plus grands ennemis n’était rien de moins qu’une version future de lui-même. L’épisode ici présent est le dernier de sa série, même si quelques intrigues laissées en suspens allaient connaître leur achèvement dans d’autres séries de Marvel, notamment autour de Thanos, autre Némesis de Warlock. L’épisode se conclut sur une note légèrement apaisée, ce qui reste encore un grand mot au vu des tourments que s’inflige Warlock. Il s’agit presque d’une auto-analyse psychologique et psychologique, qui montre tout le talent de Jim Starlin pour apporter du relief aux figures de Marvel. Il signe aussi les dessins, d’un cosmique moins épique que Jack Kirby, moins innocent que John Buscema, mais, quelle surprise, peu serein.

Ce qui est vraiment étonnant, c’est de retrouver Jim Starlin dans l’histoire suivante, un épisode autour de Nick Fury. Celui-ci est tiré de la revue Marvel Spotlight qui proposait des histoires inédites, notamment de nouvelles têtes pour voir si leur popularité allait permette de les développer dans leurs propres séries. Ce fut le cas pour cette tête brulée de Ghost Rider au numéro 5. Nick Fury n’a alors plus de séries à son nom, mais il fait des apparitions régulières dans de nombreuses autres séries de Marvel.

Cet épisode est d’autant plus intéressant qu’il ajoute un élément important de son histoire dans les comics, expliquant pourquoi le héros, apparu comme officier pendant la Seconde guerre mondiale était toujours aussi fringuant. Il y est question d’un sérum de longévité, la belle affaire, mais Jim Starlin utilise ce cliché du genre de manière judicieuse, révélant comment Nick subissait un chantage depuis des années de la part de celui qui l’avait crée et lui avait injecté. La mort de ce scientifique maître-chanteur bascule les cartes, l’espion va alors partir à la recherche de la personne qui a repris ce sérum.

C’est donc une aventure haletante qui est ici proposée, dans une ambiance de film d’espionnage et de thriller assez bien menée. Howard Chaykin est aux pinceaux, qui se distinguera par la suite par ses travaux plus matures. Mais déjà son trait incisif se démarque des autres, il ne s’agit pas d’aventures de héros en collants, mais bien d’une aventure plus sombre, plus proche de la réalité, en tout cas plus proche de certains films urbains, comme le rappelle ses compositions. Un très bon épisode.

On revient à du super-héros, mais du bon, avec l’épisode 101 des Uncanny X-Men. J’ai déjà dit beaucoup du bien de Chris Claremont, un régulier des Trésors de Marvel, dont la reprise des X-Men est une belle réussite, entre aventures héroïques et une empathie certaine pour ses personnages. L’épisode poursuit la révélation du 100, où les X-Men sont sauvés de la mort par Jean Grey, rebaptisé en Phénix et possédant de nouveaux pouvoirs. Ce n’est alors qu’un premier pas vers des épisodes cultes de la série, puisque le reste des pages passe à autre chose et voit l’équipe se rendre en Écosse pour découvrir une nouvelle menace, Black Tom Cassidy, et son allié, le Fléau. La suite sera dans l’épisode suivant, rappelant le compartimentage feuilletonesque et réussi de la série de Chris Claremont et Dave Cockrum. Un bon épisode, mais qui s’appréciera mieux en lisant ceux autour, heureusement régulièrement réedités.

L’épisode 167 de Fantastic Four qui conclue ce recueil est d’ailleurs du même tonneau, pour une histoire de super-héros assez classique, divertissante mais classique, sans véritable surprises. Hulk et la Chose régulièrement rivaux se retrouvent réunis ici, dans une même croisade de paranoia contre l’armée ou le restant des Quatre Fantastiques. George Perez dessine dans un style proche des conventions Marvel de l’époque, sans les aspérités d’autres artistes cités ici. Son classicisme sera d’autant plus remarquable par la suite quand il l’enrichira de nouveaux détails notamment sur New Teen Titans ou Crisis on Infinite Earths avec Marv Wolfman.

Ce cinquième tome des Trésors de Marvel ne dévie pas de son cap, proposant quelques histoires des super-héros les plus populaires, notamment pour les faire découvrir à quelques curieux, mais aussi des épisodes plus rares voire inédits en France, qui satisferont la curiosité de fans plus exigeants. Cette année 1976 propose dans l’échantillon ici présent un bel exemple de ce que pouvait offrir Marvel à cette épisode, avec des histoires plus classiques mais aussi des expérimentations plus audacieuses. Une grande diversité de héros, de tons et même de styles visuels, qui rend la lecture encore plus passionnante.

Prochain arrêt, le tome 6 avec l’année 1969, et ses pépites.

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le 28 juin 2022

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