Vous devenez fou avec les services clients automatisés ? Votre facteur ne vous laisse pas vos colis même quand vous êtes chez vous ? Vous avez du mal à adhérer au discours commercial du TGV ? Vous n’arrivez plus à vous indigner du drame des migrants, mais par contre la surenchère permanente des vacances dans les pays pauvres vous horripile ? L’obsession Bio et développement durable de vos amis vous semble de plus en plus irritante, mais vous ne voyez pas comment ne pas entrer dans ce jeu-là ? Vous détestez quand votre coiffeur insiste pour tenir une conversation avec vous ?
"Open Bar" est pour vous : vous vous y reconnaîtrez, même si vous n’oserez pas toujours l’admettre
Vous rêvez plutôt de trouver un bébé éléphant dans votre salade ou vous craignez de découvrir un baleineau au milieu de vos crevettes ? Vous hésitez entre glisser un nem ou un poulet rôti dans l’urne aux prochaines élections ? Il vous arrive de rentrer dans un magasin de chaussures pour commander un demi ? Vous êtes toujours en retard pour acheter le lama empaillé avec de la semoule qui figure sur la liste de fournitures scolaires de votre fille ?
Alors, "Open Bar" est aussi pour vous, grands et grandes intoxiqué/e/s de l’absurde contondant.
Vous avez peut-être déjà entrevu une planche ou deux du travail de Fabcaro en feuilletant les Inrocks dans un kiosque (puisqu’il est clair que plus personne n’achète les Inrocks…), et vous avez été surpris par les partis-pris audacieux d’une mise en page répétitive qui reproduit systématiquement la même scène, avec de toutes petites différences, soit traduisant un léger mouvement des personnages, soit résultant de l’opération de re-copiage de cette scène. Vous avez sans doute alors souri devant l’humour percutant de Fabcaro. Eh bien, la très bonne nouvelle de ce premier tome ("première tournée" !) d’"Open Bar", c’est que l’assemblage de ces gags dans un seul recueil génère le sentiment que l’on a affaire à un peu plus que de simples plaisanteries – certes presque toujours hilarantes – mais à une réflexion pas si aimable sur les dérèglements croissants d’une société qui se transforme insensiblement en une comédie absurde et désespérante.
[Critique écrite en 2019]