Qu'il va être difficile de donner un avis sur cette série, tant, au sortir du 22ème et dernier tome, on se voit décontenancé par ce long roman fleuve, tortueux, jouissif, et frustrant.
C'est bien simple, le premier tome entre les mains, un souvenir d'enfance s'étale devant nous, un groupe d'amis, un été, une base secrète, on plonge en apnée dans un « stand by me » version Tokyo. L'amitié, les liens de l'enfance et leur conséquences, morales, d'envies, de passion seront le sujet central de l'histoire, ça va vite dès le début, on est piégé tout de suite, des intrigues s'entremêlent, des mystères apparaissent, et on tombe sous le charme immédiat de cette petite bande : Kenji, Otcho, Croa Croa...
L'enfance, ses rêves, son imagination, son univers, sa perception du monde, tout ce petit monde là nourrit toute votre vie, on l'oublie souvent devenu adulte, Urasawa, non. L'enfance est ici le moteur de tout, l'origine de tout, jusqu'à l'extrême. Ce sont ces liens, qui vont se tisser tout le long des 22 tomes, avec énormément de réussite au début, et beaucoup moins à la fin.
XXth Century Boys est aussi plus que ça, il porte évidement bien son nom, tant cette série est une ode au XXème siècle. On sent bien chez l'auteur l'importance du passage, émotif, qu'a pu lui procurer le passage à l'an 2000. Cette date sera sacrée, ce sera un tournant, la fin des utopies ? La fin d'un siècle de créativité, d'insouciance ? Les personnages de XXth Century Boys restent dans le passé, enfants du XXème siècle, ils ne veulent pas être adultes du XXIème. Tout le sujet est là, la peur de l'avenir, les rêves de l'enfance, les rêve d'une époque symbolisée par une exposition universelle dans les années 70, confrontée à la réalité d'un futur, désormais le présent plus terre à terre. Il y aura une différence flagrante entre la dureté de l'enfance de Kanna, fille du XXIème siècle, bien que son âme soit dans le siècle précédent, et l'enfance de la bande à Kenji. La dureté, le pragmatisme, le combat, la séparation contre l'insouciance, le jeu. « Tonton Kenji » sera porté en idole, par pour n'importe quelle raison, parce qu'il symbolise, lui, tout ce que le XXIème n'aura pas, ou plus.
De grands thèmes donc, traités de façon plutôt magistrale dans la première partie de la série, l'ascension de la « secte », les origines de celle-ci, l' énigme quant à l'identité de son gourou, le grand bain de sang, et des airs de musiques, le tout forme un univers fabuleux, entre nostalgie et futur, on s'y perd un peu, mais c'est toujours avec plaisir. Le dessin est splendide, dynamique, les personnages sont expressifs, sans trop d'exagération non plus, le style narratif est prenant, haché, palpitant, et les rebondissements fréquents, bien amenés, surprenants. Toutes ces qualités vont devenir, paradoxalement des défauts sur la longueur. Passé le 13ème tome, il se passe quelque chose dans XXth century boys, qui est surprenant à plus d'un titre. Lassitude ? Systématisme ? Monotonie ? En fait il y a comme une impression, en milieu de série, de tout recommencer, même thèmes, mêmes énigmes, mêmes procédés.
L'auteur s'empêtre, allonge la sauce, et la narration que nous avions trouvée si excellente au début, devient pénible. Pourtant c'est la même chose, le même talent. L'ouvrage est trop long, ou pas assez, on ne sait pas. Le charme opère moins, le retour de certains « héros » n'émeut pas.
A l'image du petit mot d'introduction présentant chaque tome, ça se répète et ça patine, on ne sait plus quoi en dire.
J'ai rarement lu série si frustrante que celle-ci, si décevante en fait. Elle est tellement magnifique sur sa première moitié, que s'en est rageant.
J'en conseille la lecture à tout le monde, c'est je pense un indispensable, et la lecture des 13 premiers tomes, est marquante à plus d'un titre. Le reste passionnera sûrement moins, à vous de vous faire une idée.