24 histoires d'un temps lointain par Ninesisters
Kana détient l’exclusivité des œuvres de Leiji Matsumoto en France, ou du moins c’est ce qu’expliquait l’éditeur il y a quelques années. Après avoir publié 3 séries du maître, qui n’ont semble-t-il pas rencontré le succès escompté, ils n’avaient pas souhaité poursuivre la publication de ses œuvres. Mais le temps a passé, un long-métrage centré sur le Capitaine Corsaire est sorti au cinéma, et la réédition de ses aventures en une intégrale a apparemment convaincu Kana de remettre cet artiste à l’honneur. Et pour tester son nouveau potentiel commercial, ils ont choisi de publier une nouvelle intégrale, ce qui parait assez logique.
24 Histoires d’un Temps Lointain est, comme son nom l’indique, un recueil de 24 histoires écrites entre 1975 et 1976, ce qui est une excellente chose car cela correspond à la période où Leiji Matsumoto était un auteur brillant ; ses travaux plus récents ne présentent plus la même qualité ni la même profondeur.
Toutefois, il ne s’agit pas là d’une œuvre hétérogène composée de récits épars : à l’instar de Sous notre Atmosphère de Osamu Tezuka, nous avons affaire à un projet conçu dès le départ comme une série de récits courts, ici liés par les thèmes du temps et de l’évolution de l’être humain. Autant dire que cela lui laisse de la marge pour aborder n’importe quel sujet, hein…
L’autre point commun, c’est que chaque histoire fût publiée dans le Play Comic de Akita Shoten, qui vise un public adulte (et qui fût justement le magazine de Sous notre Atmosphère). De fait, le ton est beaucoup plus cru qu’à l’accoutumée, et chaque récit se doit de proposer une scène de sexe. Pendant laquelle nous ne voyons strictement rien, bien entendu, mais il faut qu’il y en ait une. Entre une femme très belle et un homme très laid, mais ça, c’est habituel chez Leiji Matsumoto.
Plus étonnant, les personnages féminins ont vraiment le mauvais rôle : soit elles usent de leur charmes pour manipuler les hommes, soit elles finissent violées et/ou poules pondeuses. Il est souvent question avant tout de perpétuer l’espèce humaine, ce qui entre nous n’est pas hyper glamour.
Pour le reste, il n’y pas de fils rouges entre les histoires, voire même des contradictions puisque l’auteur nous dépeint l’apparition ou la disparition de l’espèce humaine d’une bonne douzaine de façons différentes.
L’intérêt de l’exercice, c’est qu’il permet à Leiji Matsumoto de laisser libre court à ses thèmes de prédilection – l’humanité, la guerre, la survie, l’évolution, les femmes aux membres interminables… – le tout sans trop se soucier de perturber ses lecteurs, puisqu’il ne s’adresse plus à des enfants. Il sera donc question d’anthropophagie sous toutes ses formes, de voyages dans le temps, de procréation entre espèces différentes (et souvent sans le consentement de l’individu de sexe féminin), de corsaires de l’espace, c’est très varié.
Le problème, inhérent à tous les projets de ce type, c’est qu’il y a évidemment du bon et du moins bon parmi toutes ces histoires aux sujets variés. Certaines marqueront le lecteur, tandis que d’autres sont plus ennuyeuses qu’autre chose. Mais quoi qu’il arrive, l’auteur continue d’expérimenter, et de raconter des aventures qu’il aurait été impossible d’évoquer plus avant.
Nous retrouvons Leiji Matsumoto dans des récits à la fois fatalistes et remplis d’espoir – il ne fût pas admirateur et assistant de Osamu Tezuka pour rien – et si nous n’atteignons jamais la poésie, la noirceur, et la réflexion d’un Galaxy Express 999, qui reste son meilleur titre disponible en langue française, il s’agit d’un manga intéressant qui se laisse parcourir avec plaisir.
Notons au passage que l’ordre des histoires est celui de la réédition de 1998, et non l’ordre de parution d’origine.