Dans la série Jeremiah, cet album occupe une place vraiment à part, puisqu’il revient sur le conflit blancs/noirs qui est à la base du monde post-apocalyptique imaginé par Hermann.
Dans cette BD, Hermann traite le délicat problème du racisme. Il ne changera pas le monde à lui tout seul, mais il a l’intelligence de montrer comment les choses peuvent s’enchainer. L’aspect pédagogique est intégré. Je ne le qualifierais pas de maladroit, toujours est-il qu’il se sent. La force du message est de montrer que les deux clans ne sont pas prêts. Au moins, on sent qu’Hermann utilise son talent pour montrer jusqu’où la bêtise humaine peut conduire.
Le prologue présente une chasse à l’homme (où Hermann s’est lui-même représenté en poursuivi aux abois) menée par des guépards apparemment commandés, mais par qui ?
Dans la rame de turbotrain désaffecté où vivent Kurdy, Jeremiah et sa tante Martha, un nouveau est venu grossir le groupe. Un homme de la génération de Martha, probablement l’un de ceux qui quittent une région devenue trop dangereuse. Kurdy considère qu’il s’incruste depuis trop longtemps (6 jours…) Péripétie, car un grave incident va amener le groupe à décider de fuir également.
Suite aux affrontements raciaux qui ont déclenché la « grande lessive » les survivants se sont regroupés par ethnies. On réalise ainsi que les afro-américains ont bâti une ville sur le modèle de ce que faisaient leurs ancêtres. A leur tête, un homme souhaite rétablir des liens avec les autres ethnies survivantes. Bien entendu, il a des opposants qui manœuvrent.
Du côté des plus nombreux (apparemment), le « Survival » un groupe qui a survécu depuis plusieurs générations agit sans ménagements pour maintenir une domination blanche…
Jeremiah et Kurdy vont se trouver mêlés à une tentative de rapprochement entre noirs et blancs, ce qui n’ira pas sans risque vu le conflit d’intérêts…
Le climat de tension est plutôt bien établi, malgré un contact initial un peu arbitraire. La complexité des différents intérêts divergents est bien rendue (surtout compte tenu du format classique de la BD franco-belge, l’album comportant 46 planches). Il y a du suspense et de nombreuses péripéties. Hermann a le goût du détail. Son scénario bien élaboré lui permet de ne négliger aucun personnage. Quelques dessins de plus grande taille sont judicieusement placés et la présentation générale des planches est toujours très bien pensée. L’influence du cinéma est encore une fois nettement perceptible. Les couleurs (par F. Raymond) sont encore très belles, mais on sent que les consignes vont plutôt sur une luminosité qui rappellerait celle du continent africain que vers le côté spectaculaire perceptible sur d’autres albums de la série. Le sens des dialogues est plutôt au service de la diplomatie (plus ou moins directe, subtile ou maladroite suivant les situations et les personnages).
Une BD dont la parution date de septembre 1982 et qui mériterait largement mieux que les 19 notes qui lui ont été pour l’instant attribuées à ce jour sur SC.