Fini Archie vs Predator II, je ne pensais pas que je serais inspiré par ce titre mais pour le coup c'est un OVNI très intéressant.


Le premier Archie vs Predator était un slasher gore et humoristique qui s'amusait surtout avec le contraste à ressortir toutes les scènes cultes de Predator 1 et 2 mais transposée avec le code graphique des Archie des années 40, tout en rondeur et en ligne cartoon. C'est un bouquin que j'avais adoré pour cet improbable mélange des genres, pour sa générosité fan service, pour sa drôlerie.


J'ai découvert complètement par hasard récemment qu'une deuxième mini-série, du même auteur, était sortie, et j'étais impatient de la découvrir. J'ai été très surpris de découvrir un produit qui n'avait à peu près plus rien à voir. L'élément déterminant qui explique la tronche que présente AvP 2, c'est qu'entre temps l'univers Archie a été totalement rebooté au profit de la série plus moderne, Riverdale, qui s'est développée en même temps à la télé et dans les comics, en venant mettre un gros coup de polish « moderniste » sur le triangle amoureux poussiéreux de la petite Amérique rurale conservatrice. L'ensemble de la mini-série AvP 2 est un commentaire sur ce changement « historique » de la série, propos méta entremêlé avec habileté à un discours sur le passage à l'âge adulte qui est certes déjà vu mais traité avec beaucoup de justesse et de mélancolie.


La première conséquence à digérer de ce choix de propos, et qui aurait pu me laisser complètement de côté, c'est que le Predator ne sert plus à rien. Il est tout aussi inutile qu'un zombie chez Romero ou chez Kirkman – et il est écrit comme tel –, il ne sert qu'à justifier narrativement la catastrophe qui elle-même sera propice à déclencher les réactions attendues des personnages pour pousser le discours évoqué plus haut. La bande de Predators est un groupe de gros monstres qui tuent (ils font trois mètres d'ailleurs, je ne suis pas très client de ça), qui provoque de l'action gore et amusante – mais beaucoup moins que dans le un – et c'est tout.


Les personnages d'Archie sont par contre nettement plus intéressants. Betty et Veronica, qui sont à deux les vraies héroïnes du titre – ce qui ne doit rien au hasard –, trimballent le Predator-Archie qui a survécu à la fin de la première série. Elles quittent leur univers pour arriver, on ne sait trop comment, dans l'univers des nouveaux comics Riverdale où elles auront l'occasion d'être confrontées à leurs doubles modernes, ce qui permettra de développer tout le délire autour de l'ancien contre le moderne, avec pas mal d'astuce de la part du scénariste d'ailleurs qui s'est fendu d'une préface éclairante pour expliquer son changement de ton au sein de la série.


Concrètement, Betty et Veronica « du passé » voient les deux mondes se détruire – et on l'air parfois conscientes d'être des personnages de BD dépassés – ce qui les force à revenir sur elles-mêmes et sur la nécessité d'incarner un rôle en société qui, par définition, ne peut pas tenir éternellement car l'histoire passe et les goûts sont changeants. C'est fait avec beaucoup de grâce sur la fin de la série par l'auteur, on ressent vraiment cette espèce de mélange entre la tristesse et l'espoir des lendemains qui changeront qui arrive lorsque notre situation de vie évolue. J'ai toujours été très et trop sensible aux histoires se basant sur ce principe, certainement parce que je ne me suis jamais senti en place et à l'aise quelque part, mais ça m'a touché.


Tout n'est pas parfait bien sûr. Pour coller à ce ton « adolescent », un nouveau dessinateur s'invite sur le titre et son travail, qui colle bien à l'ambiance un peu gritty / poisseuse recherchée, est pas hallucinant. Le bouquin est très méta et je pense que beaucoup d'allusions sont plus parlantes pour les fans de l'univers Archie, dont je ne fais pas partie. Tout le côté action et déconnade exigé pour un titre du genre ne sert qu'à remplir et n'est pas conçu avec beaucoup de talent ni d'envie : les phases d'action et de violence font le café, mais c'est tout. Les gags sont corrects mais en service minimum. Il y a un côté, entre gros guillemets, « progressistes » on-va-de-l'avant qui ne plaira pas à tout le monde, je vois déjà les masculinistes râler de la façon dont évolue le triangle Veronica – Archie – Betty.


Mais c'est un très beau comics meta sur les changements de ce format et sur la maturité. Un ouvrage étrange qui mérite, malgré sa bizarrerie, de figurer dans une bonne collec', à côté des Kingdom Come et autres C'est un oiseau.


Il n'y a finalement que le comics et son principe lâche d'univers étendu qui permet de prendre des figures à licence et d'en faire ça, et ça continue à me fasciner.

S_Gauthier
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le 8 mars 2021

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