Bien décevant projet que cette suite longtemps attendue du Gladiator de Ridley Scott qui, peut-être frustré face au poids des années s'étalant comme un tapis, aura décidé de surcompenser par la boulimie en inscrivant dans ce film de 2h30 marqué par la thématique de la gémellité deux structures narratives qui se battent en duel. Problème, il n'y en a qu'une des deux qui se tient.
D'un côté se présente ce pour quoi, je pense, l'on va voir Gladiator. Le film sait régulièrement être un assez bon péplum de bagarre, qui parviendra à conjuguer assez harmonieusement la pompe de Scott et l'interprétation énergique (à défaut d'être toujours très nuancée) de Paul Mescal. On enfile les scènes types et Scott se montrera assez généreux puisqu'on aura droit à une bonne scène de guerre, deux combats contre animaux (dont l'un utilisera de façon remarquable une vision fantasmée et horrifique de babouins, sans déconner ! ), un match de catch (oui oui), plusieurs scènes d'arène dont un assez chouette et délirant assaut naval impliquant de bien dégueulasses requins numériques. C'est débile au fond et ça tape dans le gras mais ça fait partie du contrat du genre, et Scott sait nous lâcher les morceaux qu'on a envie de gober de manière assez régressive quand on paie pour ce type de spectacle. Un problème toutefois et non des moindres...cette partie du métrage, outre une vengeance dont on se fout puisque la femme du héros meurt au bout de trente secondes à vue de nez, n'a absolument rien à dire pour accompagner l'enchaînement de triomphe de Hanno / Lucius.
On rentre donc dans le deuxième plan important du récit, et c'est l'occasion d'assister pour une énième fois (et même pas la première cette année, on y reviendra) à une catastrophe annoncée que l'on s'est imposé bien trop souvent. Gladiator II, pour donner du corps à son récit, emprunte la structure d'une tragédie romaine...genre tellement éculé que sous Shakespeare il y a quatre siècle, c'était déjà essoré. Cette part du film ne met même pas tant que ça le personnage du gladiateur à l'honneur, puisqu'on y suit globalement Denzel comploter de manière absolument ridicule et improbable pour s'arroger le trône impérial, dans une enfilade de clichés consternants et de retournements des relations entre les actants du récit qui ne tiennent pas une seule seconde. On aura droit à tout, des vieux sénateurs lâches et pantouflards jusqu'aux clichés homophobes des frères empereurs qui servent à connoter depuis...le début de l'historiographie à peu près la décadence sociale de Rome. Ceux qui ont eu le malheur de s'infliger cette année Those about to die sur Amazon seront en terrain conquis : il s'agit tellement de la même chose que le film de Scott pourrait être extrait de deux épisodes collés.
Finalement, le film dure et dure et dure encore, se forçant pour relier son héros à cette intrigue naze de prise de pouvoir à créer une espèce de triangle familial perdu gravitant autour de Pedro Pascal (exceptionnellement mal écrit dans le film) et de Connie Nielsen qui rend une prestation particulièrement à côté de la plaque. Si l'on ajoute à cela le fait que cette sous-intrigue a pour but unique de forcer une parenté, dans tous les sens du terme, entre Gladiator 1 et cette suite, on en arrive à une indigestion de lourdeur médiocre qui donne finalement envie de quitter la salle avant le rideau. Quand on sait que Scott prétend en interview avoir sous le coude une version de 3h40, on tremble fort.
Quel dommage, donc. Il y a là-dedans de quoi se faire un bon morceau de bagarre sur le sable, généreuse et parfois brutale. Si seulement quelqu'un avait pensé à écrire un film autour.
PS : les effets visuels m'ont paru nettement meilleurs que le dégueulis numérique que paraissait être la BA. Les scènes aquatiques ne s'en tirent forcément pas très bien mais elles compensent par l'énergie ce qu'elles perdent en qualité. La mise en scène de Scott en-dehors ne révolutionne rien, et il reprend beaucoup ses plans en buste frontaux pour confronter le personnage à la société qui le regarde comme devant un écran, le tout est bien chargé, mais ça marche et la production value est tout à fait honnête. Et puis les babouins quoi.