Ridley Scott a décidé de faire tenir une décennie de l'Histoire de Rome en une semaine et c'est fabuleux.
Je ne suis pas du tout fan du premier Gladiator, j'ai le souvenir d'un film assez lourd avec ses ralentis, ses discours concons sur la liberté et ses plans déjà-vus mille fois de la main qui caresse les épis de blés... Bref, je n'attendais rien de cette suite, je trouvais même le projet sans grand intérêt... Mais quand c'est bien il faut le dire.
C'est même très bien, le film s'ouvre sur une grande bataille, alors les effets spéciaux sont un peu aux fraises, mais je préfère ça et que la mise en scène suive que l'inverse et franchement ça dépote pas mal. Certes l'issue de la bataille est prévisible, voire même annoncé, mais c'est impressionnant, ça défouraille de partout, directement on en prend plein la gueule, c'est limite gore, on sent les coups... chose rare dans un blockbuster hollywoodien.
Et puis le vrai film commence, cette pseudo histoire de vengeance où on se rend bien vite compte qu'elle n'a pas de sens, que le héros ne veut pas se venger de la bonne personne... On n'est pas dans une simple redite du premier film, mais dans une variation, les enjeux, les personnages ne sont pas les mêmes... Il est là le piège du film, on croit être en terrain connu, mais en réalité absolument pas. Oui on a des gladiateurs qui veulent que Rome soit libre blablabla, oui on a un empereur fou, mais tout le reste est différent, à commencer par le personnage de Denzel Washington : Macrinus. Qu'on hurle autant qu'on veut, c'est le meilleur personnage de blockbuster depuis David dans Alien Covenant et il fallait que ça soit Denzel Washington qui le joue.
On a ici l'anti Maximus, l'esclave qui n'a pas de grands idéaux et qui s'est totalement fait à Rome... à Rome on fait comme les romains... Il est vicieux, malin et il a un charme magnétique, dès qu'il est à l'écran le film est incroyable. Enfin on a un antagoniste intéressant, surtout qu'on ne sait jamais trop ce qu'il compte faire, ce qu'il cherche... Il a un côté sournois, serpent, insaisissable...
D'ailleurs Scott fait quelque chose de génial, il lui donne une citation d'un anglais du XIXe siècle : "le rêve de l'esclave, ce n'est pas d'être libre, mais d'avoir son propre esclave" en l’attribuant à Cicéron. Tout est dit. On est dans ce qui est de plus bas, de plus terre à terre, de plus pragmatique (et perso j'avais envie que ça soit lui qui "gagne"). Macrinus est quelqu'un qui en a bavé et qui sait comment les choses fonctionnent, comment être bien vu, comment se placer et qui n'a aucun espoir et aucune volonté que ça change.
Le fait qu'il se révèle petit à petit, qu'on voit à chaque fois un peu plus de l'étendue de sa sournoiserie est un immense plaisir.
L'autre idée forte du film est comme je le disais de court-circuiter le côté film de vengeance. Le choix de Pedro Pascal, acteur adoré par certains pour ses rôles dans des séries pour enfants était le choix parfait incarner ce général romain qui tue la femme du héros. Il a une bonne tête, on comprend tout de suite qu'il n'est pas un réel méchant. Je suis désolé mais avoir une vengeance dans le même camp, forçant un des deux personnages à mourir, surtout que le face à face arrive alors qu'il reste quelque chose comme 45 minutes de film, c'est une pure idée. On est dans l'inconnu... Forcément la vengeance ne paraît pas jouissive, elle ne délivre rien, elle ne crée que plus de douleur. Désabusé et brillant.
Le film ne s'encombre à aucun moment de la vérité historique et autant d'habitude je me dis : pourquoi inventer quand la réalité est là, mais dans ce cas, franchement Ridley, fais ce que tu veux... Si je peux voir des requins dans le Colisée bouffer des gladiateurs, je dis oui. D'ailleurs le reproche que je ferais au film c'est que ses séquences d'action sont limite trop courtes à chaque fois. Tout va trop vite...
L'autre reproche que je ferais, c'est la fin... J'étais sûr que ça allait mal finir tout ça. Je suis déçu... Alors Scott nous promet un troisième film, fonce Ridley... Mais par pitié que ça soit cynique et désabusé...
En tous cas Ridley Scott s'est amusé comme un gamin avec ses personnages, ses situations pour le rendre le tout le plus cynique possible. C'est formidable.
En plus ma principale crainte, car j'avais lu des critiques qui mentionnaient ce point, à savoir que ça soit plein de fashback du premier film, s'est révélée infondée. Il y en a deux (trois avec le plan de fin, quatre avec le générique du début qui est parfait) et finalement le lien avec le premier film se révèle presque cohérent, faut croire aux coïncidences... mais ça n'est absolument pas gênant.
Je comprends que les gens aient détesté, c'était pas du tout ce qu'ils attendaient... à la place on a eu un bon film.