Ultime aventure de Jonathan à ce jour, Atsuko est une réussite qui pourrait clore la série en beauté. Toujours en Birmanie, Jonathan est à May Myo, station climatique à 1050 mètres d’altitude, au nord de Rangoon où il compte récupérer sa moto en réparation. Il prend une chambre dans une pension où la taxe de séjour est un peu chère à son goût. Mais son visa arrivant prochainement à échéance, il n’a pas trop le choix. Par contre, une fois dans la rue, il remarque une présence au balcon de sa chambre. Suite à une observation faite à l’hôtelier, une jeune femme se présente inopinément à lui : Atsuko qui est japonaise. Celle-ci est venue photographier le lieu où sa mère est née 50 ans plus tôt. Atsuko présente des photos à Jonathan, dont une où sa mère alors bébé est dans les bras d’Hisa, une cousine de sa grand-mère. Cette Hisa faisait un travail de recherche (en lien avec le bouddhisme), alors que l’armée japonaise stationnait là. La tante Hisa est morte en 1949 de retour au Japon. Comme entrée en matière, Atsuko a présenté un haïku à Jonathan
« Premier lever de soleil –
Il y a un nuage
comme un nuage
dans un tableau. »
Atsuko part rejoindre son ami à Tokyo en laissant un recueil de haïkus traduits par ses soins en anglais. Le lendemain, l’hôtelier demande à Jonathan de transmettre à Atsuko un cahier datant de 1944 ou 45. Jonathan envisage de le poster depuis Rangoon puis de la Thaïlande, quand il découvre une enveloppe à l’intérieur. Il décide alors d’aller à Tokyo. A l’adresse laissée par Atsuko, il trouve un magasin de bric-à-brac où il s’adresse au grand-père d’Atsuko en ces termes « Ohayo gozaïmassu, Konnichiwa ! ATSUKO kudasaï ? » qui signifie « Bonjour, bon après-midi ! S’il vous plaît … ATSUKO ? » Elle est à Takayama pour la vente d’une vieille maison familiale. L’homme est le cousin d’Hisa. Il met Jonathan au courant de l’histoire de famille. Évidemment, ensuite Jonathan se rend à Takayama, pays montagneux où il retrouve la neige et des paysages dignes des estampes d’Hokusaï ou Hiroshige…
Jonathan est fasciné par la jolie Atsuko. Il va jouer son rôle dans une vieille histoire de famille. Il sera question d’une croyance (divinité changeant d’apparence – renarde ou jeune femme – pour ensorceler les humains), d’un mystérieux rôdeur à l’apparence étrange et de haïkus, le tout pour mettre en scènes deux belles histoires d’amour.
En retrouvant la neige (blancheur immaculée), Jonathan est à nouveau en terrain familier. Ce qui ne l’empêche pas de se faire piéger et de risquer sa vie. Inspiré, Cosey conte une belle histoire en retrouvant son goût pour un dessin à la fois élégant, beau mais pas trop fouillé et des planches encore une fois remarquablement organisées. Sa maîtrise narrative se remarque à peine tant elle est naturelle : fond jaune des phylactères pour indiquer qu’il s’agit de souvenirs accompagnés de dessins en noir et blanc. A noter quelques discrètes allusions à d’autres albums de la série : un pendentif d’oreille et une mélodie venue de nulle part dans la montagne.
D’une manière générale, le dessin de Cosey est magnifique. Dans cette BD, il y en a 3 de grands formats, mais pas seulement pour des paysages. Cosey est logiquement admirateur du haïku : il en fait composer à Jonathan et Atsuko. Celui qu’Atsuko énonce à Jonathan à la planche 50 pour dire ce qu’elle a sur le cœur est une réussite : présentation originale ! Il résume plutôt bien cette philosophie du minimalisme qui en disant peu laisse entendre beaucoup.