La sale guerre
En 1957, la guerre d’Algérie bat son plein. L’armée française et les indépendantistes algériens s’affrontent durement. Et au cœur de la Kabylie, une section française a disparu sans laisser de trace...
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le 14 juin 2013
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Azrayen’ nous plonge dans la Kabylie de 1957. Le jeune et idéaliste lieutenant Messonnier et sa section de harkis ont disparu corps et biens. Voilà qui fait désordre. Le capitaine Varéla est lancé à leur recherche.
Le dessin et les couleurs de Lax sont magnifiques. Un séjour algérien lui a permis de saisir les teintes et les lumières de la montagne. Chaque planche est une invitation au voyage, dans l’espace et le temps. Une place de marché (page 22), des femmes et des enfants à la rivière (page 24), les injustices coloniales (page 56)… Ses visages sont durs, anguleux, creusés, marqués et abimés. Il excelle dans les trognes accusant le poids des années et des souffrances, les vieillards, les blessés, les humiliés. Si son trait s’épanouit dans la colère, la haine ou la honte, il est moins à l’aise dans l’action et le combat.
J’émettrai plus de réserves dans le scénario. Frank Giraud marche sur les traces de son père, ancien combattant d’Algérie. La résolution de l’histoire m’a déçu : à trop vouloir démontrer, elle perd en réalisme. Le deus ex machina est grossier et implacable. A moins que Giraud ne nous propose pas une histoire, mais un essai, fort documenté. Un travail pédagogique : la guerre c’est moche, une guerre civile c’est pire, que penser d’une guerre civile de décolonisation ? Alternant déplacements et interrogatoires, la quête de Varéla est un habile prétexte pour nous présenter toute la palette des horreurs de la guerre. Tortures et exécutions, assassinats et massacres, transferts de populations et destructions, propagandes et manipulations… Le message est sibyllin : la colonisation est injuste, l’humiliation génère la haine, la haine pousse à la révolte, la révolte est écrasée dans le sang, le sang appelle à la vengeance. Giraud prend soin à équilibrer son traité, juxtaposant le bon et le mauvais colon, le bon et le mauvais soldat, le bon et le mauvais rebelle. Mais, avait-il besoin de nous exposer, à chaque fois, les motivations du tueur ? A croire que la violence appelle inexorablement à la violence, que le cercle est non seulement vicieux, mais inexorable.
Or, tous les humiliés ne prendront pas les armes et tous les assassins n’ont pas été (gravement) humiliés. C’est faire peu de cas de la liberté humaine, de la force de l’idéologie ; révolutionnaire ou contre-révolutionnaire : la fin justifiant les moyens, on peut tuer froidement pour une cause ; et de la fascination humaine pour la barbarie.
2017
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Créée
le 13 déc. 2015
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