Et Fantomette ?
En ces temps de super-héros et de girl power, est-ce qu’il ne serait pas utile de faire revenir Fantomette ?
Pourtant, l’intrépide héroïne de la littérature jeunesse, adaptée en plusieurs séries, n’est pas encore morte. Hachette continue à réediter les aventures écrites par Georges Chaulet dont le premier tome remonte à 1961.
Fantomette est parfois considérée comme la première super-héroine française, ce n’est pas rien.
Paul Tobin a lu Fantomette, c’est certain. Même s’il cite Nancy Drew et Modesty Blaise comme influences, ces deux héroïnes sont bien loin de l’esprit de Bandette. J’ignore comment les aventures écrites par Georges Chaulet sont arrivées jusqu’à cet Américain né dans les années 1960. Mais il n’est pas possible de parler de Bandette sans faire comme si Fantomette n’existait pas.
Bandette est bien une réinterprétation moderne et qui est loin d’être anecdotique. La bande dessinée a eu à deux reprises les honneurs d’un Prix Eisner, la plus haute distinction de la BD américaine, ce n’est pas rien.
En dehors du nom, il y a bien sur ce costume, assez proche dans l’esprit, avec ce loup, cette petite cape jaune et noire, cette petite jupe sur un collant noir et ces ballerines. Si on échangeait les couleurs, on retrouverait Fantomette. Certes, Bandette n’utilise pas de trottinette électrique, dommage elle serait à la pointe de la mode, mais un scooter, visiblement un Vespa. Ce qui est tout de suite plus swag.
Alors certes, notre charmante héroïne est une voleuse, mais attention, une voleuse gentille, qui vole les mal-intentionnés et les brigands. Si la police est réticente à lui demander de l’aide, un simple appel et elle viendra les taquiner mais aussi les dépanner. L’inspecteur B.D. Belgique (les noms sont très imagés et amusants, comme dans...) peut bien bougonner, Bandette est plus une alliée qu’une menace.
Le ton de la série est enjoué, innocent. Bien loin sont les costumés cyniques, les héros torturés, place à une certaine innocence naïve. Bandette est une petite effrontée, elle est maligne et adore plaisanter. Elle mène sa barque avec une certaine insouciance mais aussi une certaine assurance. La vie est un jeu pour elle. Elle fanfaronne devant le danger. Face à une ennemie, elle pourra ainsi saluer la couture de sa robe.
Grande gourmande (un trait qu’elle partage avec une certaine F.), elle peut aussi compter sur plusieurs alliés, de fidèles soutiens dont Daniel qui n’est pas insensible. Il y a un large nombre de personnages qui gravitent autour, croqués avec une certaine gourmandise, avec une légère exagération. Cet album nous met dans le jus, Bandette a déjà plusieurs aventures à son compteur, ses origines ne nous seront pas présentées. Le lecteur saute directement dans le grand bassin. En arrière-plan, le grand méchant Absinthe veut en terminer avec elle. Pas d’inquiétudes à avoir pour elle, évidemment. Mais Monsieur, son grand rival, n’est pas de cet avis.
L’inspiration est française, le cadre est français, mais il y a aussi un art de vivre à l’européenne bien loin des préoccupations américaines. C’est fait avec une fantaisie exotique qui peut nous sembler exagéré de notre côté, mais Bandette ou Monsieur sont des amateurs de culture, des curieux gourmands. S’ils volent du Rembrandt ou des éditions originales de grands livres ce n’est pas seulement pour les soustraire à ceux qui n’en profitent pas que pour profiter de leurs richesses, où la valeur d’un bien ne vient pas de sa cote mais de ce qu’il a leur offrir.
Pour mettre en forme cet esprit européen, Collin Coover garde son trait rond, que le public français a déjà pu apercevoir dans certaines de ses œuvres traduites (Banana Sunday, Small Favors). Un trait rond et piquant, plaisamment exagéré, plus proche d’une certaine imagerie pour la jeunesse. Mais elle le modifie aussi par ses couleurs, utilisant des lavis et offrant une douce mais certaine joie de vivre. Les arrière-plans sont plus flous, moins travaillés, difficile d’y reconnaître Paris ou une autre ville, pour mieux mettre en avant les personnages, vraies figures de bande dessinée franco-belge. Qu’un des personnages s’appelle B.D. Belgique n’est évidemment pas un hasard.
Ce premier album est d’ailleurs copieusement accompagné de bonus. En plus d’histoires courtes pour revenir sur certains personnages charismatiques de la série, dont une nouvelle figure, la BD propose aussi un petit encart sur certaines conquêtes de Bandette, pour en découvrir un peu plus et se cultiver, mais aussi un complet dossier sur l’illustration de Bandette. L’édition par EP est de bonne qualité.
Hélas, trois fois hélas, et même plus, cet album qui est parvenu jusqu’à nous est le seul, le tome 1 est orphelin de la suite. Cette curiosité rafraîchissante n’a pas pris sur nos terres, peu intéressé par cet hommage à l’une de nos plus chères héroïnes de la littérature, fut-elle dite pour la jeunesse. Dommage, ce premier tome de Bandette est amusant et innocent, d’une vitalité joyeuse et insouciante qui fait parfois défaut sur nos rayonnages de bandes dessinées.