Un très beau Rahan, sans doute moins poétiquement, certainement moins moralement, mais clairement du point de vue de l'esthétique
Rahan explose esthétiquement, entre en éruption de couleurs froides et chaudes et éclate en effets de foudre, de tempête et de tonnerre, avant de se changer en perroquet multicolore ! Une foudre qui change Rahan en Prométhée, en icône. Un feu d'artifice, une épiphanie esthétique qui, certes, s'étiole et s'affadit dans le reste d'un récit un peu plus convenu.
Le récit en effet vire au manichéen, présentant le premier véritable antagoniste de Rahan, Tarcik, le sorcier méphitique de la nouvelle tribu rencontrée qui, crédule, est en son pouvoir. Mais le manichéisme est en réalité au service d'une représentation de Rahan en chevalier des âges farouches, respectant les codes du chevalier qui sont devenus ceux du héros de tous les âges. On lui donne enfin pour ce faire un père qui lui transmet ces valeurs, le fameux Crâo éponyme. Un être de Bien totalement opposé à Tarcik.
Pour mieux imprimer ces valeurs dans l'esprit du jeune guerrier et des jeunes (ou moins jeunes) lecteurs, on donne un sens à son collier de griffes. Chacune des griffes représente une valeur: Bonté, Courage, Ténacité, Sagesse et Loyauté. Une loyauté dont le sorcier sera incapable - appelé Tarcik le déloyal - et dont le fils de Crâo fera preuve tout au long de ce récit et de ceux qui suivent pour se rendre digne de ce père mythique que lui offre une scène d'anthologie du 9e art.
Une scène d'étiologie qui fait entrer Rahan au panthéon des grands héros de la bande-dessinée, un récit qui accompagne cette fondation du héros d'une autre étiologie, celle du cri des perroquets, réputés pour leurs imitations de la langue humaine, qui serait la première imitation par l'un d'entre eux, qui l'aurait transmis aux autres, répétant à travers les âges un nom des âges farouches devenu immortel, celui de Crâo, le père de Rahan.