J'ai tout vu à Fukushima.
Ce shojo manga raconte comment vivre après la catastrophe de Fukushima, seulement quelques mois après le drame. Le point de vue est du côté de jeunes lycéennes, déchirées entre la volonté de vivre sur leur terre natale, malgré les graves conséquences que ça peut avoir au niveau de la santé, et l'envie de fuir, loin de cet enfer. C'est un endroit où toute une zone est considérée comme inhabitable, qui a été délimitée par une simple bandelette, c'est un paysage de désolation, avec les corbeaux, les cadavres d'animaux et les maisons détruites qui obligent des habitants à vivre dans des bungalows de fortune. C'est enfin un document assez frappant à propos de vivre après une catastrophe.
Ici, pas de données scientifiques, ni sur la raison du pourquoi, mais des interrogations de quatre filles, assez marquées de différentes façons, et pour qui la musique (Daisy est le nom de leur groupe) est un échappatoire.
Ce qui ressort de cette série en deux tomes, c'est la volonté de vivre qui s'en dégage, un espoir qu'une lumière émergera dans cet océan de noirceur post-Fukushima.
Le fait que ce soit un shojo qui aborde un sujet aussi sensible, finalement peu de temps après la réalité, a de quoi surprendre, voire déstabiliser au départ. C'est une volonté de son auteure, Reiko Momochi, qui a voulu rendre hommage à ses habitants, et aussi à son père, originaire de Fukushima. Elle est allée plusieurs fois sur les lieux de la catastrophe, rencontrée ses habitants, et la jeunesse, afin de savoir ce qu'ils ressentaient, et cela se voit dans le manga, qui est par moments vraiment touchant.
Il y a notamment ce passage où une des quatre filles sort avec un garçon de Tokyo, mais elle reviendra effondrée car quand il a su d'où elle venait, il refusera de lui toucher la main, voire de lui parler, car il va craindre d'être contaminé. Ce qui donnera par la suite une scène réellement tragique.
Après, il y a cette fameuse mentalité japonaise qui fait que rester près d'une zone irradiée, c'est presque de l'inconscience. D'ailleurs, elles en sont conscientes, car elles peuvent très bien avoir sur le long terme un cancer de la thyroïde. Mais c'est cette volonté qui prime avant tout, cette envie de se battre malgré les conséquences.
L'auteure évite tout règlement de comptes envers le gouvernement japonais, mais il y a des questions qui sont posées, et qui sont celles de ces lycéennes ; que faire ? qui va nous aider ? et surtout, comment vivre ?
Car aussi joyeuses qu'elles sont, chacune de leurs découvertes (l'histoire commence six mois après le fameux 11 mars 2011) est comme une chape de plomb qui s'abat sur elles.
Malgré un dessin pas toujours maitrisé, Daisy reste un très beau manga, vraiment touchant, et mettant encore plus en exergue l'après-Fukushima. Dans cette édition française, il y a des interventions de spécialistes qui affirment que la catastrophe pourrait ne pas être sans lendemains...