Les initiatives éditoriales de Black Box sont toujours très appréciables. Ils nous ont offert une très belle édition de Devilman et de pas mal de titres de Go Nagai, mais également des auteurs plus obscurs comme Syufo, grand nom du cyberpunk japonais quasi-inconnu chez nous.
Ils décidèrent cette année de collaborer avec Little Big Monster Editions, autre éditeur indépendant, pour permettre la publication de 2 titres : Denjiman et Bioman, mangas adaptés des séries tokusatsu du même nom. "Tokusatsu" est le terme japonais générique pour désigner les productions cinématographiques et télévisuelles live employant des effets spéciaux. On englobe dans ce terme les films Godzilla et toute la grande famille des kaiju, les space-sherifs à la X-Or, les metal heroes comme Winspector et, bien évidemment, les séries sentaï.
Je ne vais pas vous faire l'historique de ce genre à part entière, qui chose amusante doit beaucoup à la fameuse série télé Spiderman de 1978 sur laquelle le pape de la colère du Youtube francophone s'est largement exprimé. C'est effectivement grâce à cette collaboration nippo-américaine que le robot géant, le mécha, est apparu pour la première fois dans une série télévisée, chose que les premières séries sentaï sorties avant ne possédaient pas.
Je fais cette critique de Denjiman qui pourrait par bien des aspects s'appliquer également à Bioman, pour le meilleur comme pour le pire.
Car le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on sent clairement dans ce manga le produit dérivé censé promouvoir la série télévisée. Chose qui ne me dérangerait pas en règle générale si le produit en question s'avérait de bonne facture.
"Artificiel" est le mot qui me semble convenir le mieux pour désigner Denjiman. Le manga commence par nous présenter en quelques pages les méchants de l'histoire, la reine Hedrian et le général Hedrer, qui veulent détruire la Terre par un pure caprice de la despote. En une demi-page nous est introduit Denji Red, un karatéka, avant qu'il ne soit téléporté dans la base secrète créée par l'ordinateur de Denji Land, dernier vestige de sa planète détruite par les méchants qui va former la fameuse équipe Denjiman pour leur botter les fesses. Notre héros est à peine introduit à ses collaborateurs (puisque bien évidemment il accepte sans hésiter l'offre de l'ordinateur) qu'ils revêtent déjà leurs costumes pour aller combattre le méchant du jour... qui se fait éliminer en 1 coup de pied...
Vous l'aurez peut-être compris en lisant ce résumé, mais tout cela est extrêmement expéditif. Les personnages sont à peine installés, les antagonistes sont uni-dimensionnels, et le faible nombre de pages de ce premier chapitre (à peine 20 !) ne permet pas aux auteurs de nous construire des enjeux crédibles.
Chose qui va d'ailleurs être renfocée par la suite par un nombre ridiculement faible de pages par chapitres, qui ne dépassera jamais la vingtaine. Je comprends le format épisodique : 1 chapitre = 1 menace à affronter et détruire, comme on pourrait de la même façon voir un épisode de série télé nous offrir une histoire unique, sachant que grâce à ce format feuilletonnant, il est tout à fait possible de lire les chapitres dans n'importe quel ordre. Seulement, ce manque de relief, de volonté de produire une bande-dessinée à part entière rend le manga totalement dépourvu d'enjeux. J'ose imaginer que la série télévisée développait bien mieux que cela ses personnages, qui ici sont résumés à 1 trait de personnalité sans plus de fioritures. Difficile de s'attacher aux Denjimen qui n'ont droit à aucune forme d'écriture, difficile d'avoir peur pour leur survie sachant que le format "freak of the week" nous assure de leur retour chaque semaine (même si c'est dommage que contrairement à Bioman, Denjiman ne nous offre pas des combats de mécha).
C'est d'ailleurs assez incompréhensible que Denjiman s'arrête au moment où le bras droit de la méchante se fait éliminer. Les héros déclarent fièrement qu'ils se préparent à livrer leur dernière bataille contre le Clan Vader, puis fin. Il est étonnant qu'un manga qui mise autant sur l'action soit aussi anticlimatique.
Car s'il y a bien une qualité qu'on peut reconnaitre à Denjiman malgré tout, c'est que le rythme de chaque histoire est parfaitement géré. Les auteurs n'ayant que peu de pages pour mettre en place un nouvel antagoniste, ses caractéristiques et la bataille contre les Denjiman, tout se déroule très vite, sans temps morts, ce qui permet au lecteur de ne jamais s'ennuyer et même d'enchainer très facilement les chapitres. Le dessin de Yuji Hosoi aide d'ailleurs grandement, car s'il n'a rien de bien transcendant, son découpage dynamique sert très bien les scènes d'action.
Bioman parvient légèrement mieux à donner de l'épaisseur à son histoire, et notamment aux méchants, mais globalement, tout comme Denjiman, ça ne sera pas pour celle-ci que l'on tentera la lecture.
Denjiman est très moyen pour tout ce qui touche à son scénario, mais il a le mérite d'être divertissant. On enchaine très facilement les chapitres, et étant donné qu'il s'agit d'un one-shot, on en fait vite le tour.
Ca fait le job, comme on dit. Mais comme le rétorquerait le Fossoyeur de Films, "Il y a beaucoup trop de choses aujourd'hui qui "font le job", vous ne trouvez pas ?"