Dork Tower est un webcomic de l’Américain John Kovalic et qui existe depuis 1997 tout de même. Il a été discrètement traduit par chez nous au sein du magazine Backstab puis édité par Darwin Project entre 2001 et 2004.
Backstab qui fut publié entre 1996 et 2005 évoquait dans ses pages les jeux de rôle, les jeux vidéo, les wargames, les jeux de société et les cartes à collectionner. La revue s’adressait donc aux rôlistes et geeks, qui sont les héros des histoires de Dork Tower.
Cette bande d’amis aime se retrouver pour jouer à des jeux de rôle, même si les parties ne se déroulent jamais comme certains le souhaitent, ou se retrouver à certains événements, films ou conventions.
La vision de John Kovalic qu’il offre de ces jeunes gens est celle d’une génération où le geek commence seulement à être chic, mais la bascule n’est pas encore faite, les personnes extérieurs le pointent encore du doigt.
Si certains personnages s’enthousiasment pour la sortie de la trilogie du Seigneur des anneaux par Peter Jackson, leur réputation n’est guère fameuse. Ils sont le plus souvent moqués ou incompris, ce qui ne facilite pas les relations amoureuses. Un très bon gag présente Matt, le chef un peu malheureux du groupe, impressionner toute une audience avec ses connaissances historiques, avant qu’il ne révèle qu’il le sait grâce aux jeux de rôles, et d’être tout de suite moqué.
Le portrait de ces geeks incompris, mais qui pour certains ne s’en soucient guère, ne manque aussi pas d’auto-dérision. La réaction parfois extrême de certains fans est ainsi abordée, notamment avec le succès de X-Files, présenté de façon assez amusante comme un anti-Scoubidou. Mais les pages les plus drôles sont sont probablement celles où l’appétit des fans en produits dérivés, en éditions limitées, en bonus pour DVD, tout ce qui peut faire appel à leur coeur et leur porte-monnaie, est abordé, avec les faiblesses de chacun pour une nouvelle figurine, une nouvelle carte limitée, et autre.
Les histoires peuvent se déployer sur plusieurs pages ou ne composer que quelques cases, ce qui évite une certaine monotonie face au format. Dans ces pages, John Kovalic utilise un trait assez proche des classiques du cartoon, à la mise en scène statique mais avec quelques exagérations dans les attitudes et les expressions. Car un geek ou même un rôliste ne fait pas dans la demi-mesure, tout le monde le sait.
Cette sélection d’histoires publiée chez nous est donc à la fois un témoignage de la culture geek de ces années, mais aussi de leur perception, dont les références ne sont pas si datées, tandis que certaines remarques font encore sens. Même si je goûte moins aux plaisanteries sur le jeu de rôle, alors que j’en ai pourtant fait (mais mal), l’humour fonctionne bien, aussi bien sur moi que potentiellement sur d’autres, car cette figure du geek et du rôliste est à la fois moquée de l’extérieur et de l’intérieur. Un peu tendre mais aussi moqueur, un bel équilibre.