Que fait le scénariste quand son personnage principal est mort ? Facile: il le fait agir depuis l'au-delà. Xoco, mort en détruisant Itzlapalotl, accompagne Mona dans la lutte qu'elle entreprend contre de puissants démons qui ont profité de l'anéantissement d'Itzlapalolt.
Le début nous fait quitter l'univers de Lovecraft pour celui celui de Castaneda: Mona est initiée à la sorcellerie méso-américaine par la mastication de champignons hallucinogènes, et son benefactor s'appelle Don Genaro, ce qui devrait rappeler quelque chose aux lecteurs de Carlos Castaneda.
La surprise de voir surgir un élément chinois dans l'intrigue permet de rompre agréablement avec la glaciale obscurité de l'hiver new-yorkais. On se rend compte que le scénariste devait sortir de la lecture du "Au bord de l'eau", de Shi Nai-An et Luo Guan-Zhong, ouvertement cité page 18. Ceci dit, on met assez longtemps à comprendre quel est le rôle de ces Chinois, ainsi que des mafiieux new-yorkais, qui entreprennent soudainement de s'entretuer sans autre avertissement.
Le récit est passablement sanglant: les démons s'incarnent dans divers personnages humains, et se mettent à déchiqueter tout ce qui bouge. Mona et les Chinois du "sanctuaire" vont les affronter...
Ledroit a passé le crayon à Christophe Palma pour cet épisode. Son trait plus net, ses couleurs plus contrastées apportent de l'agrément à la lecture. Les procédés de mise en images des albums précédents (vignettes de formes irrégulières, inégalement juxtaposées, voire tronquées, parfois surimposées à une image de fond, personnages faisant éclater les contours de l'image lors de scènes violentes...) donnent leur plein effet lors des combats entre démons et humains.
Les couleurs, jamais naturelles, jouent de contrastes expressionnistes entre ocres lumineux des brasiers, du désert méso-américain, et bleus glacés du monastère chinois et de New-York. Les monstres, entre loups-garous musclés et vampires rouges, constituent un morceau de bravoure pour le dessinateur.
On ne peut s'empêcher malgré tout de trouver cet épisode un peu superflu. La boucherie dégoulinante entre humains et démons emplit la fin du récit, qui n'a guère plus d'enjeu que de voir qui va hacher qui. On est loin du lourd mystère des premiers épisodes.