Feu Mister Mercure - Comix remix, tome 1 par Sejy
Dans la culture du Comic Book, on peut, en simplifiant, définir le superhéros comme l'incarnation fantasmatique de ce qu'il existe de meilleur chez l'Homme (une perspective assez naïve et superficielle j'en conviens). Droiture, bravoure, intelligence, abnégation, tolérance (et j'en passe), une surenchère de qualités et de valeurs nobles au service d'un altruisme sans faille. Hervé Bourhis propose une vision du mythe un peu plus dissonante et irrespectueuse. Un hommage en croc-en-jambe qui affiche les faux airs burlesques d'une parodie, mais lorgne également du côté de la satire sociologique.
Si son Comix Remix utilise bien une thématique Marvelienne, ses héros, en revanche, ne sont plus tout à fait de bons gars. Starifiés, mercantiles et arrogants, violents et égocentriques, ils prônent même le culte très aryen de la pureté physique. Sous le motif du maintien de l'ordre, ils outrepassent régulièrement leurs prérogatives, main (super) armée d'une « Corporation » qui dérive et laisse apparaître ses appétits de pouvoir derrière des doctrines fascisantes. Cette scénographie malsaine et angoissante exacerbe un anthropomorphisme révélateur (la nature humaine ne s'identifie que mieux quand elle s'expose sous ses plus mauvais atours) qui permet à l'auteur de pointer nos défauts avec intelligence. Plutôt que de les mettre en exergue, il extrapole sur leurs éventuelles conséquences en livrant une autopsie acerbe, mais lucide, de la politique et des problèmes de notre société « moderne ».
Bien qu'engagée, l'intrigue demeure très fictionnelle et divertissante. Dotée d'un vrai fil narratif, elle se révèle captivante (avec tout de même quelques variations dans l'intensité) et se pare d'une tonalité humoristique souvent grinçante et décalée. Bestiaire des « clandestins » savoureux (qui n'est pas sans évoquer Donjon par sa fraîcheur), bons mots, premiers degrés hilarants, clins d'œil malicieux à l'actualité du moment, alternance de références cinématographiques, littéraires ou encore historiques sont autant de récréations spirituelles qui engagent un détachement essentiel avec le propos noir et sérieux. Le style graphique, spontané et faussement brouillon, concourt à cette distanciation. Déconcertant au premier abord, il remplit à merveille son simple rôle de conteur de l'histoire, lui procurant au passage tout le dynamisme nécessaire. Un aspect jeté, nerveux et percutant, aux antipodes du réalisme, qui évite les écueils d'une emphase et d'une apathie rédhibitoires. Et si, par moments, il lui arrive de manquer de clarté, finalement, on s'adapte puis on l'apprécie très vite.
Le coup de fouet au genre d'une série originale, riche et bien équilibrée qui oscille entre plaisir, émotion et réflexion.