Défouloir, urinoir, à manger, à boire et à voir…
Drôle de Foutoir effectivement.
Où la première partie sert de sympathiques brèves de comptoir, « in vinasse veritos », autour de quatre jeunes piliers oisifs, dépités et occupés à réclamer « la tournée du patron ». Inactivité, isolement, alcoolisme et désœuvrement, les auteurs soulignent avec humour et exagération le mal des campagnes délaissées.
« Albi, c’est calme. Sortie de l’industrie du tourisme, il faut bien avouer qu’il n’y a pas grand chose à faire… Du coup comme il n’y a pas trop de boulot ni d’activités, la plupart des jeunes désertent et abandonnent la ville aux vieux et autres personnes âgées. Et c’est ainsi qu’après des années d’une savante politique immobiliste et réactionnaire, Albi est devenue une ville où il fait bon dépenser sa maigre retraite en attendant paisiblement la mort. Mais quelque part dans un quartier quelconque et sans attrait pittoresque, un groupe de jeunes combattifs résiste valeureusement au marasme ambiant. Dans ce monde où chacun se définit par rapport à ce qu’il gagne et ce qu’il bâtit, eux revendiquent leur droit à perdre leur temps en dépensant leur rmi comme bon leur semble. »
Sans atteindre cette conscience même de leur droit à la paresse, les quatre compères évoquent de loin en loin l’anéantissement de l’oisiveté autant que l’énergie créatrice envolée. L’amitié insouciante et la nécessité de succomber ensemble à l’ivresse, la morosité absurde du quotidien, les quatre jeunes cèdent aux facilités de la désillusion. Au détour d’une case, le trait caricatural du
noir et blanc savamment dégingandé
cède la place aux couleurs et au grain d’une époque révolue et cette nouvelle bande-dessinée pédago-comique contraste tant avec les propos venteux et vides de la première partie qu’elle vient faire sens.
« Le prolétariat s’est laissé pervertir par le dogme du travail. Rude et terrible a été son châtiment. Toutes les misères individuelles et sociales sont nées de sa passion pour le travail » dit Paul Lafargue dans Le Droit à la Paresse.
Dans le Foutoir complexe des sociétés modernes où tout le monde voudrait surveiller tout le monde, il serait plus sage de laisser plus de liberté et de solidarité remettre tout un chacun à son niveau d’investissement et de participation. Alors l’art vient éclairer l’action, l’enrichir de réflexions et de considérations globales, humanistes, essentielles. Celui qui se détache de l’économie générale n’est pas pour autant un bon à rien,
celui qui pense s’investit autrement.