Je suis toujours déçu par les tentatives de biographies en bande dessinée. Car c’est une gageure que de réussir, en peu de pages, à brosser correctement l’essentiel de la vie d’une personne. Presque toujours, c’est trop rapide, il manque quelque chose : il faut aux auteurs un immense talent pour parvenir si vite à capter quelque chose de juste dans le personnage croqué. On est souvent dans la caricature, et cet album n’échappe pas à ce genre de travers. On a les grands moments de la vie de Gainsbourg, mais il manque quelque chose, Gainsbourg est à peine survolé, on n’y est pas vraiment, le Gainsbourg montré est celui qu’on attend, rien ne vous surprendra dans ce qui nous est présenté de lui, on connait déjà tout ça... Certains moments sont résumés en très peu de cases, c’est dommage, d’autant plus que cela peut produire des inexactitudes sur le plan historique. Un exemple, sur la première case consacrée à la Seconde guerre mondiale, il est écrit « 1940. C’est la guerre, les Allemands entrent dans Paris » et que voit-on ? Gainsbourg avec une étoile jaune sur la chemise, devant son piano, chantonnant : « Yellow star, yellow star… Ca a du rythme ». Or les Juifs ne sont obligés de porter l’étoile jaune qu’à partir de 1942. Et ensuite, on ne nous donne aucun repère chronologique, le père de Gainsbourg passe en zone libre, puis la famille le rejoint, mais du temps passe entre les deux… Tout ça n’est peut-être que du détail, mais ça m’agace un peu… Sans parler qu’une scène censée représenter la Russie en 1921 ressemble étrangement à la célèbre photo d’Evgueni Khaldei lors de la libération de Berlin début mai 1945. Bizarre.
En tout cas, ce n’est donc pas par le récit que cet album brille. Mais par ses qualités visuelles, et c’est quand même ce qui compte le plus dans une bd. Car cet album est clinquant sur le plan du dessin. Flamboyant voire flambeur. Les textes n’ont rien de particulier, tandis que les dessins d’Alexis Chabert croquent superbement Gainsbourg et les femmes de sa vie. Il y a des planches magnifiques, et elles sont assez nombreuses.
Bref, l’ouvrage est modeste quant à la qualité des informations et de l’analyse apportées, mais ambitieux sur le plan graphique. Ce décalage est regrettable, mais permet malgré tout de donner envie de creuser un peu plus, car Gainsbourg est un personnage particulier qui mérite des analyses plus précises, un type original qui se mérite. Il en faut beaucoup plus pour comprendre l’homme qu’il était.