Plutôt fan de Yatuu, que j'ai découvert via son blog il y a maintenant 2 ans (et dont j'ai adoré Hé Mademoiselle et Sasha), j'étais donc plutôt convaincu avant d'ouvrir le tome 1 de Génération mal logée. Je dois dire que j'ai grandement déchanté. Si je commence avec cette introduction qui peut sembler un peu inutile, ce n'est pas pour le plaisir de raconter ma vie, mais surtout pour expliquer que j'étais plutôt bienveillant. Et que je le suis surement encore partiellement d'ailleurs.
Déjà commençons par ce qui fait, quelque part, le plus mal directement : le niveau visuel. Alors ceux qui ne sont pas habitué au style graphique de Yatuu seront surement surpris. Pour les autres, ils risquent de ne pas forcément comprendre pourquoi ils n'accrochent pas autant que maintenant. Il faut dire que Yatuu ne maîtrise pas autant son propre style que maintenant. En terme de dessin, c'est un côté moins mignon, mais c'est surtout des cadrages, des angles. Des détails qui sont très différents de ces travaux actuels qui font que son style n'est pas aussi mature que maintenant.
Notons également la mise en page désastreuse. Car, si on a pas mal de pages, il faut savoir qu'apparemment Yatuu ne s'est pas habitué au changement de format de Blog à BD. Du coup on a grosso-merdo 3 voir 4 cases maximum par planche. Autant dire que ça n'avance pas vite, qu'on a des gros plans gratuits et sans grand intérêts (ne mettant pas forcément en valeur le dessin au passage). C'est d'ailleurs presque énervant tant les pages se succèdent vite et au final, ça apporte un certainement déplaisir au lecteur.
J'ai tendance à penser que le gros soucis dans le fait que les auteurs de Blog-BD passent à la BD et qu'ils ne savent pas gérer ce format. Ils pensent que c'est exactement pareil. Ils ne comprennent pas que dans la forme, une BD a une identité propre, de même qu'un blog-BD est un format différent. Et là, malheureusement, j'ai beau être fan, avec cette première BD, Yatuu prouve qu'effectivement la transition est difficile. On a une BD mixte, qui tente d'avoir une unicité façon "ho regardez, je fais une BD" et qui dans le même temps est conçu, dans la mise en page, avec une réflexion de type blog-BD.
Maintenant pour ce qui est du scénario.
Videl est une étudiante qui vient de réussir ses examens et quitte sa petite campagne pour aller à Paris, afin d'étudier dans une école prestigieuse. Mais avant de rentrer dans l'école, elle doit commencer par trouver un logement. Et 95% du récit va se concentrer sur la recherche de cet appartement. Les annonces incroyables, les démarches difficiles, les propositions incroyables, les visites hors-normes. C'est surtout ça, et bien que ça ait un côté amusant, la volonté de l'auteur est plus de montrer l'horreur de cette situation plutôt que de faire réfléchir.
On a même l'impression de tourner un peu en rond au final, alors que pourtant, comme dit plus haut, c'est finalement relativement court comme BD. Ca n'empêche pas qu'on se marre bien par moment et que tout étudiant trouvera des points communs. Malheureusement dans le même temps, on peut penser que Videl se plaint un peu gratuitement et est légèrement à côté des réalités.
Je vais donner quelques exemples : son père trouve risible qu'il puisse gagner 4x600 euros pour faire la location. Or, désolé, mais 2400 euros pour un homme (vu son graphisme) qui doit être plutôt en fin de carrière, ba c'est pas inenvisageable non plus.
De la même manière, Videl va dans une école de "bourgeois" (la Sorbonne) qui coute les yeux de la tête, 1000 euros net par an. Bon déjà, la Sorbonne c'est une université, donc c'est tout sauf bourgeois. C'est classe, c'est claire, parce que au bout de quelques années, les étudiants ont le droit aux vrais locaux, chargé d'histoire (mais pas de PQ aux chiottes, comme quoi). Et certes, quand tu es dans le quartier latin, tu as parfois l'impression d'avoir des étudiants qui manquent pas de sous, mais c'est pas révélateur pour autant de quoique ce soit. Pour être moi-même étudiant à la Sorbonne où j'écris ses lignes, je dois dire que j'ai l'ensemble du spectre social dans ma promo. Donc bon, c'est un détail, le but était de parler d'une école facile à retenir, mais là, c'est une gaffe un peu bête qui véhicule encore l'idée d'un élitisme de la Sorbonne (alors que c'est quasi-gratuit et ouvert à tous, donc pas du tout élitiste au contraire).
Et puis 1000 euros par an ?! Bon, ok, je suis loin de payer ça personnellement ... Mais c'est quand même pas les yeux de la tête ? Donc dépenser 1000 euros par ans dans ces études c'est être bourgeois ? C'est un peu une vision gratuite non ? De la même manière, le Crous qui ne délivre que 4000 logements et où 1 étudiant sur 13 seulement a une réponse positive. Ok, c'est la galère, je le reconnais et il en faudrait beaucoup plus. Mais en même temps, les faire passer pour des gros méchants qui n'en ont rien à faire, n'est ce pas un peu facile ?
Parler à peine des aides, c'est pas non plus génial, je trouve.
Bref, vous l'aurez compris, dans le fond je suis d'accord avec le message, mais dans la forme, je trouve qu'il y a des détails qui font tâche. Je vous rassure, je n'ai pas vraiment mal pris le problème "Sorbonne" (même si mon petit coeur a eu mal). Je trouve ça dommage, cependant, de simplifier les problèmes. Même si, effectivement, ça informe bien sur différents gros soucis, et notamment sur les arnaques. Donc n'oubliez pas d'être vigilant si vous prenez un appartement (surtout dans une grande ville).
Mais bon, comme je disais, la mise en page est très moyenne, l'histoire est pas franchement passionnante et son évolution est circulaire. On rigole un peu, mais pas tant que ça. Bon, un peu quand même. Et puis y a des détails sympas, des trucs qui sonnent particulièrement vrais. Et le dessin, même si il est loin d'être parfait a des côtés très plaisant. C'est pas aussi bon que maintenant mais ça a déjà beaucoup de bonnes idées.
Bref, ce n'est pas la catastrophe que mon avis pourrait faire croire, mais franchement, à moins d'être fan total de Yatuu, je vous conseille ces autres BD.