Pourquoi faire de la bd tout seul dans son coin quand il est si
agréable de sentir le souffle aviné d'un copain sur sa nuque ?
Ainsi est-il proclamé sur la quatrième de couverture de cet ouvrage compilant dans le désordre les strips douteux de ses trois auteurs : Mandrill Johnson, Gad et Bathroom Guest. Absurde et scatologie, suicide et pédophilie, l'humour de l'ouvrage tourne autour de
cette vague française du mauvais goût assumé en trois cases
qui propose du divertissement acerbe derrière les points de vue sans illusion sur la décadence moderne.
Pas de grande envolée narrative, pas de personnage derrière lequel s'identifier, mais de tout cela il n'est aucun besoin : Glory Owl se lit d'une traite avant de dégobiller d'un rire malade sous le poids de l'indigestion. L'ensemble, s'il tient
sur le fil d'une vile dérision crasse de nos élans consuméristes haineux,
se décompose de gags politiquement outranciers et d'imaginaires creusés dans la fosse sceptique. Si la vue d'une merde vous met mal à l'aise, passez votre chemin : ici ça déborde ! Mais si vous n'avez pas froid aux yeux et que vous appréciez le détournement des véhicules médiatiques, ce petit livre répondra à vos basses exigences de destruction sociétale tout en laissant naître sur vos visages l'inhumanité retenue d'un sourire complice.
Le dessin y est tout aussi grossier : quelques traits, de nombreux personnages communs, le détail des décors réduit à son minimum figuratif, le tout noyé de couleurs vives et éclatantes. Encore une fois, malgré les styles différents et identifiables des trois larrons aux commandes, l'ensemble tient
une cohérence graphique qui entraîne une fluidité agréable de la lecture.
Pas d'émerveillement devant l'art primaire de ces auteurs, mais la satisfaction d'apprécier une œuvre sans ambition, honnête, qui ne pète jamais plus haut que son troufion.
Avec ce premier numéro qui n'hésite pas un seul instant à faire
le tour dégueulasse des travers dérangés d'une humanité dépravée,
Glory Owl est comme une bonne bouffée de merde servie sur plateau d'argent : légèrement indigeste mais si bien arrangée que l'on ne peut s'empêcher d'y rire jaune de ces petites perversions quotidiennes, et somme toute banales. L'horreur vive de nos décadence est là mise en lumière sans voile, crûment, avec le petit recul nécessaire à nous en distancier, avec la touche d'absurde qui y fait l'humour pisseux.
Il s'agit bien évidemment de plaisir coupable, et qui saurait y résister ?