Il y a bientôt dix ans sortait en France un one-shot à la première de couverture déjà évocatrice de son contenu. Avec In The Clothes Named Fat, Anno MOYOCO parvient encore à m'étonner et, mieux encore, à me marquer avec un titre définitivement hors-norme.
Après avoir été cruellement émerveillée par le travail de l'auteure sur Sakuran, et dans le cadre du méga-challenge 2016 de Club Shôjo, j'ai décidé de me pencher sur ce one shot, au titre aussi intriguant qu'en partie révélateur des nombreux sujets traités par l'oeuvre. Boulimie, anorexie, maltraitance et infidélité sont parmi les thématiques très lourdes que la mangaka va traiter, avec, je dois bien l'avouer, un talent certain. Nous allons en effet suivre, pendant plusieurs centaines de pages, la descente aux enfers de Noko, jeune femme méprisée en raison de ses fortes rondeurs, qui va tout faire pour toucher du bout des doigts la beauté à laquelle elle aspire tant. Mais celle-ci lui apportera-t-elle en même temps le bonheur qui semble avoir déserté sa vie ? Sans pour autant avoir vécu les durs événements que traverse l'héroïne, j'ai ressenti de la compassion pour cette jeune femme qui aimerait se sortir de la spirale de malheur dans laquelle elle est tombée, mais en même temps, reste tiraillée entre son envie d'avoir un corps aussi mince que ses collègues et celle, irrésistible, de manger pour oublier sa tristesse. Un piteux spectacle qui fait tout de même réfléchir sur l'importance de l'apparence dans notre société actuelle. Pour le coup, autant dire que ces scènes ont un impact fort sur le lecteur.
Pages après pages, Anno MOYOCO distille ainsi une morale, certes amère vu tout ce par quoi Noko passe, mais on ne peut plus juste. Malgré tous ses efforts pour avoir le corps qu'elle avait toujours souhaité, notre héroïne n'arrive en effet pas pour autant à être heureuse et ses rechutes sont régulières. Une phrase, particulièrement, marque les esprits : "Ce n'est pas son corps qui est laid, mais son coeur". Au delà de cette morale qui pousse le lecteur à la réflexion, l'auteure met en scène bon nombre de situations cruelles, qui portent à constater que Noko n'est définitivement pas gâtée par la vie. Entre sa vie au travail et sa situation amoureuse, celle-ci a en effet matière à s’apitoyer sur son sort. Pour autant, difficile de décrocher tant le tout m'est apparu crédible. Et tout cela, en partie dû à une héroïne complexe et humaine...
Aux premières pages, nous avons affaire à une jeune femme enrobée, mal dans sa peau, pas tant par son apparence elle-même, mais plus par les nombreuses remarques que lui vaut celle-ci sur son lieu de travail. Pour autant, elle a un petit ami qui ne semble pas s'en soucier, mais face aux moqueries incessantes d'une collègue de travail et à la trahison de Saito (le dit petit ami), elle décide de changer pour de bon. Mais seulement voilà, avec une personnalité aussi docile et se fondant le plus possible dans la masse comme elle, cela ne peut évidement pas se faire sans heurt. Son combat pour perdre du poids était en demi-teinte. D'un côté, j'avais envie d'encourager ce personnage si fragile, mais de l'autre, on comprend très vite que ce n'est pas son apparence le véritable fond du problème. Reste qu'elle faisait bien souvent peine au coeur, surtout de par son dévouement total et tout aussi insensé envers Saito. Le plus intéressant reste cette évolution qu'elle tente tant bien que mal de s'imposer. Fière de son "nouveau" corps pourtant squelettique, elle va s'efforcer d'adapter sa personnalité, devenant ainsi orgueilleuse et sûre d'elle, du moins... en apparence. Bien que sur bien des aspects méprisable, Noko reste donc un personnage intéressant pour toute l'humanité qu'il dégage.
Je ne m'étendrai pas longtemps sur les personnages secondaires, servant plus à développer l'héroïne qu'autre chose. Mayumi et Saito sont donc deux personnages méprisables, l'une par sa perversité et l'autre par sa lâcheté. Ce sont deux protagonistes que j'ai particulièrement détesté, surtout le second qui ne prend aucun risque dans la vie et ne se base que sur ce qu'il pense pouvoir "contrôler". Je me dois toutefois de reconnaître qu'aussi pitoyable soit-il, c'était un bon travail d'écriture de la part de l'auteure.
Côté graphique, difficile de ne pas reconnaître la patte très particulière de MOYOCO. Je commence personnellement à en être totalement fan, tant il se montre aussi cru que délicat. Que l'on adhère ou pas, on ne peut en tout cas nier le talent !
In The Clothes Named Fat est un one-shot unique qui ne devrait pas vous laisser indifférent. Avec des sujets aussi sérieux que parfois tabous, le titre se montre très percutant et me semble difficilement oubliable. A tester si vous avez envie de vous diriger vers des œuvres plus matures !