• Apparemment monsieur Little, l'un de ses amis membre du Congrès, a été assassiné.

  • Assassiné ?

  • Par un borgne. C'est ce qu'on dit, en tout cas. Connaissez-vous Little ?

  • Pourquoi le connaîtrais-je ?

  • Il était un éminent Schwarzer (noir, en allemand), alors je le suis dit que...

  • Vous croyez que tous les nègres se connaissent ?

  • Vous devriez... Voyez à quel point les juifs se serrent les coudes. Et les Irlandais ? Les Italiens ? L'union fait la force !

  • De toute évidence, vous ne connaissez rien aux noirs, lieutenant.



Marshal Bass, tome 5 : L'Ange de Lombard Street, des éditions Delcourt sur un scénario de Darko Macan, met une fois encore un bon direct du droit en plein dans la face idéaliste du western américain par une emprise beaucoup plus directe, qui ne prend aucun gant avec le sujet qu'il explore. Un scénariste qui détruit à mesure que les tomes sortent chaque fondement du modèle atypique et romancé du far west, en démontrant l'implacable vérité autour d'une injustice constante profitant toujours au plus riche, autour d'une dureté difficilement digérable même autour de ses figures emblématiques. Si bien, qu'on préfère se détourné d'une réalité trop amère par le prisme des grandes figures héroïques tirées d'un monde fictif fatalement fantasmé. Avec ce cinquième album, Macan fait irruption auprès des valeureux héros de guerres symbolisés par les Tuniques bleues, grand vainqueur dans la guerre contre les Confédérés. Une grande figure du symbole américain que l'auteur vient réduire à néant en présentant sans langue de bois ses soldats rapatriés, blessés, amputés et handicapés auquel le gouvernement à totalement tourné le dos. Un sujet peu glorieux qui immerge avec fatalisme le lecteur dans un récit rude et difficile.


L'histoire s'ouvre en octobre 1876 à Washington D.C, avec Robert Little de la chambre des représentants des États-Unis, qui se réjouit de la défaite du Chef Powell, antagoniste principal vu dans Marshal Bass tome 4 : Yuma. Litlle qui sans étonnement laisse apparaître au grand jour ses véritables intentions à savoir : profiter des ruses mises au point par le défunt afin de s'enrichir. Un autre pourri dans l'univers implacable de Bass, qui sous ses beaux et nobles discours égalitaires (vu dans l'album précédent) reste une pourriture de plus. Une approche intelligente qui démontre que l'on peut être malgré tout un homme noir au sein d'un pays fasciste et être malgré tout un enfoiré comme les autres. Seulement, Little ne va pas profiter longtemps de cette réjouissante nouvelle puisqu'il est assassiné chez lui par un borgne affreusement défiguré, qui se pose telle une figure divine-démoniaque punitive :


- Attendez ! Que voulez-vous ? J'ai de l'argent ! Je peux... Je peux...
- J'ai un message pour vous, congressman Little.
- Un message ? D'accord ! D'accord ! Dites-moi, je suis tout ouïe.
- Vous avez échoué au test.
- Quel test ? Je ne comprends pas... Attendez ! Que faites-vous ? Non !...


C'est ainsi qu'on se retrouve deux jours plus tard à Philadelphie sur une double page incroyable, dessinée avec subtilité par Igor Kordey, appuyée par les somptueuses couleurs de Nikola Vitkovic, dans laquelle on aperçoit l'exposition universelle avec ses marchés et la statue de la Liberté, dont existe encore seulement la main et le flambeau qu'elle tient. On découvre le colonel Terrence B. Helena au service des U.S. Marshals, accompagné par notre cher River Bass, toujours par remis de la mort de son fils assassiné de ses mains dans Marshal Bass tome 3 : Son nom est personne, si bien qu'il n'est pas rentré auprès de sa famille depuis une bonne année. Après avoir été une fois encore victime d'agressions racistes, le voici embarqué dans l'enquête entourant la mort du fameux Little avec pour seul indice le fait que son bourreau est borgne. Une mise en bouche haletante qui rapidement plonge Bass dans les bas-fonds de la déchéance humaine avec « Ange », personnage charismatique saisissant porteur d'une fatale réalité que va découvrir notre shérif-adjoint préféré.


Au menu de cette aventure sordide : un homme à l'aspect monstrueux gardien des hommes partis à la guerre comme des héros acclamés, mais cachés et oubliés par le gouvernement, car revenus comme des chancres difformes. Un Ange à l'allure démoniaque se présentant comme un libérateur pour ces soldats qui ne sont plus que des ruines humaines n'existant que pour les doses de morphines qui leur apportent pour atténuer les douleurs. Appuyé par ses deux hommes : Cloporte et Ben, ils forment un trio à l'allure digne d'un film d'horreur. Une approche volontaire de son auteur qui tient à faire une transposition entre ce qui semble être et ce qui ne l'est pas, comme pour dire que le western n'est pas la beauté qu'il semble représenter dans les fictions, tout comme ces hommes ne sont pas les monstres qu'ils semblent être. Seulement, Ange ne supporte plus cela et à décidé de s'en prendre aux dirigeants du gouvernement et c'est là que notre implacable River Bass entre en jeu.


Cette cinquième bande dessinée déroule avec une redoutable intelligence une mise en page qui présente amèrement les maltraitances d'un monde fait de corruption sur sa population corrompus par un cadre austère. Un contraste brumeux horrifique sous une atmosphère nauséabonde aussi repoussante qu'indigeste avec à la clé une conclusion implacable à la hauteur de la noirceur révélée. Bienvenue en enfer ! Un western de l'horreur appuyé par des péripéties convaincantes s'achevant sur une course-poursuite cauchemardesque avec une finalité sans loi, ni logique. Un récit dogmatique à la psychologie percutante pour ses lecteurs, qui sont plongés dans une substance chaotique particulièrement complexe, où le bien ne veut plus rien dire. River Bass se présente comme le pion d'un échiquier géant dont il est le garant et le protecteur en tant que shérif-adjoint, malgré les persécutions d'un pouvoir dont il connaît pourtant les monstruosités mais auquel finalement il participe à son épanouissement en jouant selon leurs règles. Le fatalisme de la réalité de notre monde auquel nous contribuons tous.



CONCLUSION :



Marshal Bass, tome 5 : L'Ange de Lombard Street, est une bande dessinée qui fait honneur à la saga en étant d'une froideur absolue avec son lecteur, qui n'est pas épargné des monstruosités d'une époque fantasmée et idéalisée par le cinéma, les romans, les chansons... L'aversion du monde de l'Ouest que dénonce froidement le trio Macan-Kordey-Vitkovic, avec le personnage de River Bass.


L'enfer selon Marshal Bass.




  • Regardez ce fils de Satan, mes frères ! L'âme aussi noire que la peau. Il est venu vous prendre votre Ange. Qu'allons-nous faire de lui !?

  • Coupons-lui les jambes et laissons le saigner.

  • Au peloton d'exécution !

  • Trop gentil... Pendons-le !

  • Poignardons-le !

  • Noyons-le !

  • Non... Pas l'eau ! Tout sauf ça, je vous en prie !

  • Qu'est-ce que tu dis, le flic ? Il nous supplie de ne pas le noyer ! Allons-nous l'écouter ?

  • Non !!!!!!!!!


B_Jérémy
8
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le 9 mai 2022

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