Après un voyage en bateau plutôt pittoresque (le n°51, absent de ce TPB mais présent dans le Cerebus Zero, qui regroupe d'autres histoires de transition), on a donc un Cerebus à présent loin du tumulte des grandes métropoles qui tente d'écrire un livre sur son expérience de Premier Ministre, une sorte de guide qui pourrait s'appeler "Que faire et ne pas faire quand on est au pouvoir ?". Il est invité à rejoindre la masure d'une riche veuve dont il va s'éprendre, non sans être dérangé par la nouvelle personnalité du Roach : Wolveroach et son squelette en plomb (ben oui, pas d'adamantium à cette époque). De là il va reprendre son poste de ministre sous l'impulsion d'Adam Weisshaupt, président des United Feldwar States, manipulant le pauvre Cerebus à son gré, comme le faisait Astoria dans le volume précédent. Mais son plan tourne mal lorsque notre Aardvark est désigné pour être le nouveau Pape de l'église de Tarim. Cerebus, se prenant pour le nouveau messie, menace la population d'une fin du monde imminente si jamais on ne lui donnait pas tout l'or disponible (ou comment dépouiller les pauvres de ce qu'ils n'ont déjà quasiment pas). Tout ça se termine sur un cliffhanger qui nous laisse en haleine, la langue pendante et la bave dégoulinante. Vivement la suite !
On découvre ici un Cerebus à la fois plus touchant et plus dur, voire cruel. Touchant dès lors qu'il éprouve des sentiments envers une femme : que ce soit Michelle au début ou Jaka évidemment, son apparition dans l'histoire laissant une fois de plus la place au passage le plus intimiste et triste du bouquin (il en était de même dans High Society). Avec Sophia la Rouge c'est différent, son mariage s'est déroulé pendant une cuite et il n'a aucun sentiment pour elle (enfin il la harcèle pour faire l'amour quoi).Une sorte de défouloir pour lui.
Dur et cruel à plusieurs reprises, notamment lors de sa dernière confrontation avec Weisshaupt. j'avais pitié pour ce dernier et me surprenait à détester Cerebus. Encore une preuve que Sim cherche à creuser la psychologie de ses personnages. Jusque là, le nain gris à trompe était bougon, colérique, égoïste, passait ses humeurs sur tout le monde et n'importe qui mais tout ça sans aucune méchanceté. Il nous dévoile ici sa face sombre.
Malgré tout cet aspect noir, Church and State vol.1 est autant bourré d'humour que les deux premiers TPB. Que ce soit une fois de plus avec des personnages croqué à la perfection (le maladroit et gourmand Booba qui a l'ordre d'écrire tout ce que dit Cerebus au cas où celui-ci sortirait une phrase incroyable, la mère de Sophia qui ferait pisser dans son froc n'importe quel colosse sanguinaire) ou des gags atrocement hilarants (mon ventre s'en souvient encore, cf. Lord Julius et Duke Leonardi sortant successivement de trous dans le mur pour embêter Cerebus). Sim a vraiment un don au niveau du timing comique, de l'enchainement de cases qui tue.
Niveau narration, il se permet d'alterner petites historiettes de quelques pages avec différents points de vue, passages manuscrits (notes de journal, de livre....), ou encore séquences légendées à la façon des premières bandes dessinées ; à de longs passages muets succèdent un blabla éloquent et dense. Et tout fonctionne, c'en est désespérant. Du coup j'ai lu les 300 dernières pages d'un coup d'un seul tellement je me suis laissé emporté par l'histoire fertile en rebondissements.