Profitons de cette courte petite critique pour attirer l'attention sur le sexisme insoupçonné des formules "égalité Hommes-Femmes" et "égalité Femmes-Hommes". Il ne saurait, en effet, y avoir égalité autrement que dans l'expression "égalité des Sexes", le mot "sexes", plus collectif étant aussi plus neutre.
La Bête plate, sous ses dehors de nouvelle critique de la croyance qui, pour un communiste comme Lécureux, ne peut être que de la superstition primaire, est un véritable manifeste non pas féministe mais égalitariste.
Sa lecture heuristique est assez curieuse, le fessier entre deux chaises. D'une part, Rahan découvre une civilisation qui connaît l'art et s'y adonne; d'autre part, cet art ne sert qu'aux superstitions arriérées des artistes. Un rapport complexe à l'art qui ne laisse pas d'interroger et qui aurait exigé, titre oblige, de l'approfondissement.
S'il reste superficiel, c'est que le réel intérêt du récit réside dans une représentation complémentariste des sexes, toujours aussi parlant à notre époque. Bien que des femmes soient déjà apparues dans La Horde Folle, elles étaient alors des "demoiselles en détresse" comme le veut l'expression consacrée. Dans La Bête plate, l'on trouve de tout, de la femme domestique à la femme chasseresse, de la femme pacifique à la femme assassine et pétrie de xénophobie. Si ces représentations sont encore le jouet des stéréotypes - la femme blonde est juste et bonne, la femme brune est haineuse, soupçonneuse et méchante - cette diversité de la représentation est intéressante. Mieux, elle prête au sexe dit faible une bonté que certains personnages assimile à de la faiblesse et représente d'emblée la survie comme la coopération entre l'homme et la femme. C'est d'ailleurs ainsi que l'entend Rahan qui, sauvé initialement par les femmes positives, dédiera le trophée de sa chasse à la femme négative qui ourdi son élimination et le traque à l'arc.
Une leçon de morale pour les machistes et les metooïstes qui hantent nos fictions et nos débats politiquement sociaux: comme disent Rahan à la façon de Patrick Bruel: Regarde un peu, tu verras tout ce qu'on peu faire si on est deux !