Vous en avez marre de Pokémon Go et d'user vos semelles à la recherche de ces bestioles ? La Cité des esclaves et son SCM est fait pour vous ! Allez défier d'autres porteurs de SCM pour en faire vos esclaves. Ils obéiront à tous vos ordres. Motivés ? Alors : attrapez-les tous !


Vous avez une villa, un char, un menhir, mais… avez-vous un esclave ?


L’action se déroule à Tokyo et, dès le départ, nous sommes plongés dans l’univers du SCM (le C n’est pas en trop) : Slave Control Method. Il s’agit d’un petit appareil en forme d’arc-de-cercle que l’on place derrière les dents du haut. Le SCM peut être neuf ou d’occasion. Il est, en général, fourni avec un petit guide expliquant les principales règles et un site internet contient aussi des informations sur le sujet.


Depuis tout petit, on nous apprend à ne pas mettre tout et n’importe quoi dans notre bouche. Alors pourquoi y placer le SCM ? Parce qu’un tel appareil permet à une personne d’en contrôler une autre, moyennant un duel préalable entre porteurs de SCM. Le perdant devient l’esclave ; le vainqueur devient le maître. Dans la seconde position, vous verrez tous vos ordres exécutés par votre esclave… sauf si l’action ordonnée conduit à sa mort. Là le refus est possible. En dehors de cela, le « je décide et il exécute » s’applique.


Une précision, au passage : il faut avoir au moins dix dents pour placer l’appareil. Ce n’est donc pas un jeu pour les « sans-dents ». Toujours les mêmes qui ont le droit de s’amuser…


Learning by doing


A l’instar d’un Death Note, au-delà de ce qui est écrit et des règles, il faut mettre la main à la pâte pour découvrir un peu mieux les usages possibles du SCM. Notamment :



  • Les moyens qui sont offerts de jouer avec les règles ;

  • Trouver d’autres adversaires ;

  • Si on ne porte pas le SCM on ne peut pas être localisé par les autres…


Plusieurs SCM sont en circulation dans les districts de Tokyo. Comme une rumeur qui s’amplifie leur prix peut grimper en flèche. Les SCM apparaissent comme le dernier jouet à la mode pour les jeunes (et moins jeunes) de Tokyo qui vont porter cet appareil, pour mieux sortir de leur quotidien. On observe différents esclaves et maîtres, faisant naître plusieurs questionnements :



  • Combien d’esclaves chaque maître possède-t-il ?

  • Comment sont-ils traités ?

  • Quelles fins servent les esclaves ?

  • Doit-il y avoir plusieurs maîtres ou, à terme, il y en aura un pour les contrôler tous ?


A travers les chapitres, les duels, les raisons des maîtres et leur rapport avec leurs esclaves… ce sont différentes personnalités qui apparaissent, différentes voies qui s’affrontent. Les personnages se révèlent quand ils donnent des ordres ou obéissent.


Hegel et la manipulation des cerveaux


La relation entre le maître et l’esclave convoque bien sûr plusieurs figures de la philosophie, tant Hegel (1807, La Phénoménologie de l’Esprit), que Aristote. Pour autant, le manga ne se perd pas vraiment dans de longues considérations sur la condition d'esclave. Certes on voit les pensées des personnes vaincues, leur lutte inutile, mais la justification proposée du système et ses bienfaits laissent à désirer.


Surtout, au-delà de la philosophie, La Cité des esclaves interroge un autre pan de l’activité humaine : les neurosciences et leurs applications. Le SCM joue en effet sur le cerveau pour pousser les individus vaincus à obéir aux ordres de leur maître. Le manga ne se prive pas pour nous montrer différentes scènes au fil des pages où, malgré ce qui est demandé, l’esclave ne peut que s’exécuter. Âmes sensibles, vous voilà prévenues.


Or, les développements en neurosciences sont tels que la discipline s’attache désormais à étudier les comportements, les interactions, la vie mentale. De là à penser que les neurosciences seraient un outil au service d’un projet de manipulation des cerveaux, d’action sur les individus il y a un pas… qui pour l’heure n’est pas franchie. On peut donc respirer et sentir le frisson nous parcourir quand on lit le manga : nous ne sommes pas encore (?) pris dans les filets du SCM.


Une courbe en N


Le premier tome comporte une étiquette sur sa couverture. En souvenir du tome 19 de Fullmetal Alchemist et de son étiquette Soul Eater, je ne me suis pas aventuré à essayer de l’enlever. Au-delà de son étiquette, le premier tome de La Cité des esclaves s’est révélé percutant, il nous plonge directement dans le grand bain et je l’ai trouvé très efficace dans sa manière de procéder. Rien ne nous est épargné et le caractère cru de certains passages est renforcé par les paroles tenues. Par la suite, à partir du tome 3 (et de la plus grande place accordée à Ryûô et Yûga) j’ai trouvé la série moins innovante, moins prenante en dépit des passages accordés au chien, Zushiômaru, avant que le tome 7 n’impulse de nouveau du mouvement. D’où un intérêt pour la série qui suit une courbe en N.


Au niveau du dessin, les visages des personnages ne sont pas très détaillés, soit, mais parfois leur profil ou les vues en biais ne sont pas très réussis. On note pas mal de fonds blancs ou peu développés. Mais la mise en scène, le découpage des cases se révèle agréable à suivre. Il y a des hauts et des bas mais l’impression globale reste positive.


La série est habilement construite, en ce qu’elle repose sur un nombre de personnages plutôt restreint, qui sont développés au fur et à mesure. Ainsi tel personnage que l’on voit à l’arrière-plan dans telle case ou que l’on croise à telle occasion peut réapparaître plusieurs tomes après, apportant sa contribution au puzzle en formation.


Pour conclure, La Cité des esclaves et son SCM nous offrent une version high-tech de l’esclavage et une nouvelle démonstration du fait que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Au fur et à mesure des tomes se déploie une intrigue efficace, qui ne manquera pas de faire réfléchir sur les avancées de la science ainsi que sur une division des individus entre maître et esclave qui a tout pour révolter… ceux qui ne sont pas dominés par le SCM. Libérez-les tous !


Version longue et illustrée par ici.

Anvil
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le 26 août 2016

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Anvil

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