La bande-dessinée super-héroique a ses codes, mais aussi ses clichés. Tout bon héros se doit d’avoir son « origin-story », l’histoire qui raconte ses origines.


Celle que Lisandru Ristorcelli offre avec son héros a un drôle de goût, car il s’en empare avec une certaine jubilation et un humour très jaune. Car « La Traînée jaune » n’est rien d’autre que l’histoire d’un raté, Filippu, un pauvre type, irradié par un fluide toxique alors qu’il était en train de se pisser dessus. Il obtient une super-vitesse qu’il va utiliser pour reconquérir sa « FionFion », ou Fiona, sa copine, une pimbêche qui veut être introduite (dans le cinéma). Il se bricole un costume avec quelques agrafes, et part tête baissée, seul l’esprit de l’extra-terrestre responsable de sa mutation tentera de lui faire entendre raison.


La bande dessinée mêle donc les codes du super-héros, un peu de SF un peu ringarde, et un humour assez salissant, un peu moqueur sur certains clichés, un peu scatologique aussi. Sans que cela ne vire à la grande farce urinaire, il faut apprécier cet humour adolescent, aux dialogues un peu idiots, aux répliques bébêtes. Le récit initiatique de Fil ne le sauvera pas vraiment de sa médiocrité, toujours à prendre les mauvaises décisions, toujours inconscient de ce qui l’attend, mais pourtant toujours sauvé, le plus souvent sans qu’il n"en soit le responsable. Un type maladroit, qui a marché dans la crotte du mauvais pied, et pourtant assez attachant.


C’est un super-héros de la loose, un croisement entre Flash et Booster Gold, mais avec une petite touche d’irrévérence et de scabreux que DC n’accepterait pas. Le récit n’est aucunement référencé, il ne cite pas ses influences, ce qui est appréciable, certains auteurs n’en pouvant plus d’étaler leur geekitude. Lisandru Ristorcelli connaît ses classiques, c’est évident, mais il n’éprouve pas le besoin de l’expliciter, merci. Il trace sa voie, un peu poisseuse, un peu légère, pour un super-héros qui ne manque pas de sel.


D’ailleurs, l’auteur possède un coup de poignet qui ferait honte à certains artistes américains. Il est difficile de trouver des informations à son sujet, mais sa biographie indique une maîtrise en arts appliqués et un Master BD à l’École des Beaux-Arts d’Angoulême. Il reprend un style comics, proche de John Buscema mais plus agressif et en plus gras. Ses cases sont rythmées comme les grandes œuvres du genre, dynamiques et expansives. Ses différentes nuances de gris rappelleront la bande dessinée indépendante des années 1980 et la technique du lavis. Et pourtant un passage mémorable se déroulera en couleurs, justifié par une des idées folles de l’auteur.


La Traînée jaune de Comicswood se déguste avec le nez un peu pincé, légèrement outré de son humour pas très propre, mais ravi de son audace. Difficile de déterminer ce qui est de l’hommage ou de la parodie, mais en tout cas cette relecture super-héroique a un aplomb certain, servi par des illustrations qui démontrent le talent de Lisandru Ristorcelli.


L’auteur offrira une suite à son héros en 2014, bien difficile à trouver dans le commerce. Un troisième tome aurait même été prévu. Lisandru Ristorcelli semble s’être éloigné du monde de la bande-dessinée depuis, participant à quelques ouvrages beaucoup plus grand public , tels que Guide de la Corse en bandes dessinées, Guide des châteaux de la Loire en bandes dessinées ou Histoires incroyables des 24h du Mans. Il faut espérer le revoir un jour, il serait criminel qu’un tel talent ne puisse pas s’exprimer à nouveau.

SimplySmackkk
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le 30 juin 2021

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