Nouveau départ, même continuité

Depuis plusieurs années, Franquin ne s'intéresse plus à Spirou et Fantasio et a délaissé les aventures des deux journalistes.

Cependant, celles-ci ne cessèrent guère Franquin confiant le duo à un autre auteur/dessinateur. Il s'agit de Fournier. Ce choix peut sembler étrange l'auteur/le dessinateur en question étant plus spécialiste des mondes fantastiques aux allures de contes que des aventures de deux intrépides journalistes dans un monde contemporain. Dans ces conditions, difficile de se dire que le créateur du lutin Bizu puisse faire du Spirou et Fantasio.

Ceci dit, Fournier a-t-il prouvé qu'il n'était pas abonné à un seul registre tout comme Franquin qui savait faire des aventures pleines d'adrénaline, des historiettes humoristiques ou encore des oeuvres à l'humour noir pas forcément au goût de tout le monde?

C'est ce qu'on va voir avec Le Faiseur d'or. Déjà, rien que le titre a de quoi laisser perplexe. Le Faiseur d'or, ça fait pas du tout penser à Spirou et Fantasio mais au titre d'une histoire inspirée par les légendes du Moyen-Âge. Pourquoi ne pas carrément y inclure des noms comme celui de l'alchimiste Nicolas Flamel?

Oh p*tain, il l'a fait!

Bon, qu'est-ce qu'on a d'autre?

-Un livre substitut de grimoire sur le secret de la fabrication de l'or que des sinistres individus tentent de voler à des fins cupides que nos héros doivent arrêter.

-Une auberge.

-Un château macabre non seulement réputé comme étant hanté mais étant nommé dans un anglais à peine modifié (Castel) comme s'il était sorti tout droit des légendes arthuriennes.

-Des illusions fantomatiques peu rassurantes projetées sur des murs en pleine nuit faisant penser à des sortilèges de méchants sorciers.

-Un imposteur ayant prit les traits d'un proche d'un des gentils pour tromper la vigilance de ce dernier lui donnant ce qu'il veut juste avant que l'imposteur se révèle en être un-d'accord, ça c'est peut-être un peu de mauvaise foi parce que ce stratagème est utilisé de n'importe quelle façon dans d'autres oeuvres peu importe le registre mais dans le cadre de Le Faiseur d'or, on est quand même assez proche de la méthode "magique"

ou encore...

-Champignac se comportant plus comme un magicien à la Merlin l'Enchanteur qu'un mycologue

Puisqu'on parle des personnages. Malgré son registre pas trop en accord avec le monde de Spirou et Fantasio, on sent que Fournier veut leur être fidèle tout comme il tente d'être fidèle à l'univers des deux journalistes. Ainsi, les Champignaciens sont fidèles à eux-mêmes (plus particulièrement le maire pompeux et l'ivrogne Dupilon) tout comme le marsupilami (qui se remontre ENFIN utile aux héros)...

Spirou et Fantasio sont également fidèles à leurs personnalités de toujours qu'on aime tant.

De plus, par respect pour Franquin, Fournier suit la continuité de ce dernier et fait mention d'oeuvres ayant été écrites du temps de son prédécesseur.

Mais en dehors de tout ceci, que vaut Le Faiseur d'or en tant que récit et/ou album? Ben, en toute honnêteté, ça traine un peu. Malgré la bonne mise en place du sauvetage de personnages en détresse (recherche du ravisseur, jeux de pistes), le récit, en plus d'être lent, force nos personnages à faire des allers-retours dans certains lieux alors que ces derniers ne sont pas forcément essentiels à l'histoire.

De plus, le fait que la mycologie soit évincée de l'histoire et remplacée par de la soi-disant science trop proche de la magie fait un peu trop...

https://youtu.be/JOpBbSjEV6c?t=108

En fait, ce sont plutôt les histoiriettes succédant à Le Faiseur d'or qui semblent plus proches de l'esprit Spirou et Fantasio avec un mini-conte de Noël émouvant et drôle qu'on aurait retrouvé dans un calme mini-récit de Franquin succédant à une aventure épique; et une histoire un peu farfelue à la Franquin inachevée dans les dernières pages qui ne se poursuivit que dans l'album suivant.

Non, je ne vais pas terminer par le fameux "Mais ça, c'est une autre histoire" présent dans une bonne partie de mes critiques car il y a autre chose à aborder.

Le Faiseur d'or est assez mal dessiné. Les proportions sont toutes hasardeuses avec les personnages et les décors faisant les mêmes tailles. Sans oublier le fait que les silhouettes des personnages sont bien trop géométriques pour sembler réelles. De plus, les couleurs sont ternes. Ainsi, à cause de tout cela, l'album ne semble pas abouti et manque de vie.

Bref, Le Faiseur d'or n'est pas un très bon nouveau départ pour les aventures de Spirou et Fantasio. Cependant, on sent que Fournier se cherche encore et parvient déjà à comprendre ce qui marche bien dans les caractères des personnages bien qu'il n'ait pas encore tout à fait réussi à s'approprier l'univers.

On verra ce que ça donnera dans le tome suivant.