Il s'agit d'une bande dessinée de 56 pages, en couleurs. Elle est initialement parue en 2018, écrite par Jérôme Pierrat, dessinée et mise en couleurs par David B. Elle fait partie de la collection intitulée La petite bédéthèque des savoirs, éditée par Le Lombard. Cette collection s'est fixé comme but d'explorer le champ des sciences humaines et de la non-fiction. Elle regroupe donc des bandes dessinées didactiques, associant un spécialiste à un dessinateur professionnel, en proscrivant la forme du récit de fiction. Il s'agit donc d'une entreprise de vulgarisation sous une forme qui se veut ludique.
Cette bande dessinée se présente sous une forme assez petite, 13,9cm*19,6cm. Elle s'ouvre avec un avant-propos de David Vandermeulen de 4 pages, plus une page de notes. Il commence par évoquer l'étymologie du mot brigand, en commençant par celle du mot pirate, dérivé lui-même d'un mot pour désigner le fait de se risquer à quelque chose, de tenter sa chance. Il passe par le bon mot sur le deuxième métier le plus vieux du monde, pour ensuite développer la notion de brigand. Ces derniers correspondent à des individus organisés en bande, généralement s'octroyant les biens soit des honnêtes gens, soit de l'état, par la force et sous la menace. Il constate que de telles bandes existent aux quatre coins du monde, avec des appellations et des particularités diverses et variées, qu'il s'agisse de la mafia, des triades, des yakuzas, de la Camorra, de la Mano Nera, ou de la Yiddish Connection. Il termine son introduction avec la spécificité française, c’est-à-dire l'absence de mafia de grande envergure établie en France.
La bande dessinée commence par un dessin en pleine page représentant une exécution sommaire à Paris, rue de Lévis, un homme d'un certain âge en manteau avec son cabas de course, abattu par un tireur passager sur une moto. L'individu atteint par balle est Michel Kiejewski dit le Polonais, une légende dans le Milieu, qui a même connu le gang des Tractions Avant (en exercice de février à novembre 1946). À l'époque, le sport national des bandits était le braquage de fourgons, banques, paies d'usine et encaisseurs. C'était aussi l'époque des brigands célèbres comme René la Canne (René Girier, 1919-2000) cumulant, à lui tout seul, 17 évasions rocambolesques. Pour certains, c'était des héritiers des anciens des colonies pénitentiaires, dans la tradition des Apaches de Casque d'Or, ayant séjourné au bagne de Cayenne, eux-mêmes réalisant des opérations rappelant les techniques des bandits de grand chemin. Parmi ces bandits célèbres, il est encore possible de citer Mimile Buisson et son frère, Le Nuss, la Mammouth, Nez de Braise, et bien sûr le gang des Tractions Avant (Danos, Ruard, Attia, Naudy, Feufeu, Loutrel, Boucheseiche). Le Milieu comprenait d'autres professions illégales dont les représentants ne voyaient pas forcément d'un bon œil ces bandits aux méfaits trop spectaculaires.
Pour peu qu'il soit un habitué de la petite bédéthèque des savoirs, le lecteur se demande quel sera l'angle d'attaque de l'avant-propos de David Vandermeulen. Il ne s'attend pas forcément à une approche sémantique ; il est plus dans les rails avec l'évocation historique. Ce court avant-propos ne fait qu'établir l'existence de groupes d'individus s'enrichissant sur le dos des citoyens au mépris de la loi, par la coercition, avec une organisation plus ou moins lâche, à toutes les époques, dans différentes régions du globe. La dernière partie est la seule qui vient apporter un éclairage plus intéressant, en faisant observer que le milieu du crime organisé en France n'a pas donné naissance à une organisation pérenne de type mafieuse. Cette partie met plus l'eau à la bouche du lecteur qui espère bien que ce point sera développé dans la bande dessinée. Le reste n'apporte finalement pas grande information quant au grand banditisme, ou quant au contenu de la bande dessinée.
Il s'agit du deuxième de la petite bédéthèque des savoirs écrits par Jérôme Pierrat, le premier étant La petite Bédéthèque des Savoirs - tome 8 - Le tatouage. Histoire d'une pratique ancestrale avec Alfred. Le lecteur qui l'a lu relève d'ailleurs les références au bagne et aux colonies pénitentiaires présentes pour expliquer l'expression Des durs, des tatoués. Il constate également que l'auteur a réalisé un texte de type récitatif, qui pourrait presque se suffire à lui-même, sans illustration. Chaque page se compose le plus souvent de 3 illustrations, parfois 2, parfois 4, venant montrer une partie de ce qui dit le texte. Le récit commence par l'assassinat de Michel Kiejewski, un bandit notoire, en pleine rue à Paris, à une époque contemporaine. Cet individu étant sensé avoir connu l'époque du gang des Tractions Avant, l'évocation du grand banditisme commence à cette époque. Le lecteur sait bien qu'en 56 pages, les auteurs ne pourront pas réaliser un historique détaillé du grand banditisme à l'échelle mondiale. Un peu décontenancé par cette introduction, il jette un coup d'œil au sous-titre de l'ouvrage qui précise qu'il s'agit d'une histoire de la pègre française. Avec cette précision en tête, il comprend mieux pourquoi David Vandermeulen a consacré plus d'une page à la spécificité française du crime organisé, et pourquoi Jérôme Pierrat entame ainsi son exposé. Le démarrage aurait été moins abrupt si le préfacier avait explicité ce parti pris.
L'auteur fait donc le lien entre l'émergence d'une forme de crime organisé en France, avec les formes des époques passées, en prenant pour exemple les Apaches et Amélie Élie (1878-1933, surnommée Casque d'Or). Il prend ensuite des exemples emblématiques pour montrer d'où viennent les générations de bandits successifs, et quels furent leurs spécialités en matière d'activités criminelles. Le lecteur voit ainsi passer René Girier (1919-2000, 17 évasions au compteur), Pierre Loutrel (1916-1946, dit Pierrot le fou), Joseph Victor Brahim Atti (1916-1972, dit Jo Attia), ou encore Jean-Baptiste Croce, Gaetano Zampa & Francis Vanverberghe, la fratrie des Zemmour. Il établit que le fonds de commerce le plus stable du grand banditisme en France reste le proxénétisme, et que les braquages ont été à la mode à plusieurs époques. Au fil des pages, le lecteur découvre ainsi des personnages hauts en couleurs, usant de violence, occasionnant des dommages collatéraux, à commencer par des victimes innocentes (par exemple 23 convoyeurs abattus en 1995 et 2000). Il contextualise leurs origines, introduisant une dimension sociale. Il pointe du doigt la catastrophe que furent les projets pédagogiques (en toute ironie) des colonies pénitentiaires, ainsi que les associations contre nature (par exemple entre Loutrel ancien gestapiste et Jo Attia ancien prisonnier de camp de concentration).
Au fil des décennies qui sont évoquées, le lecteur observe l'évolution des domaines d'intervention du banditisme (casseur, trafiquant, bookmaker, cambrioleur, faussaire, etc.), ainsi que la capacité des bandits à s'adapter aux évolutions de la société, investissant de nouveaux domaines comme la finance, l'environnement, les denrées alimentaires, les nouvelles technologies, tout ce qui est qualifié de zone grise de l'économie. Il voit aussi arriver de nouvelles formes d'organisation s'appuyant sur l'évolution des technologies et de la demande, comme le marché du haschich marocain, avec revente à la sauvette dans les cités, et approvisionnement des dealers en Go Fast, pour profiter de l'ouverture des frontières et l'apparition du téléphone portable. Au fil des séquences, il trouve des explications sur des termes qu'il a déjà pu croiser dans des fictions sans forcément pouvoir bien les interpréter, comme celui de French Connection.
Le lecteur peut être un peu étonné de découvrir que cet exposé a été illustré par David B., l'auteur de L'ascension du Haut Mal, un récit autobiographique évoquant son frère épileptique. Effectivement, cet artiste se retrouve à illustrer un exposé très carré, peut-être livré clef en main, pour lequel il s'est forcément interrogé sur ce qu'il pouvait apporter. Le lecteur observe que les dessins apportent des éléments d'informations supplémentaires, qui ne sont pas contenus dans les cellules de texte. Pour commencer, les dessins participent à une forme basique mais bien réelle de reconstitution historique. En regardant les cases, le lecteur peut voir les marqueurs temporels que sont les tenues vestimentaires, les véhicules, ou encore les outils, les armes, les éléments technologiques. Les illustrations fixent donc l'époque dans l'esprit du lecteur. En outre, David B. réalise des dessins avec une approche entre caricature et naïveté, à la fois très simples de lecture et très expressifs. Au fil des pages, il apparaît que les bandits cités ou les activités illégales ne sont jamais représentées sous un jour favorable, ou romantique. Les visages et les silhouettes des criminels ne sont pas avenants, sans être non plus hideux. La prostitution et les braquages apparaissent comme prosaïques et brutaux, sans avoir besoin de recourir au gore. En creux, les dessins décrivent un monde agressif et malsain, exsudant une ambiance glauque. Grâce à cette approche graphique, David B. combine une forme descriptive simplifiée mais pas inexistante, avec un malaise sourd dépourvu de toute soupçon d'apologie ou de séduction. Le lecteur peut être décontenancé par la faiblesse de la reconstitution historique, mais rasséréné par l'absence totale de fascination pour ce mode de vie ou pour ce genre d'activité.
Le lecteur peut être un peu déstabilisé en débutant sa lecture, à la fois par l'avant-propos un peu rapide de David Vandermeulen, à la fois par le périmètre restreint de l'exposé, et également par le choix esthétique des dessins. Outre le fait qu'il s'agit d'une vulgarisation, il doit garder à l'esprit le sous-titre de l'ouvrage qui précise que l'objet se cantonne à la pègre française. Avec cette idée en tête, il comprend mieux la démarche des auteurs, et peut apprécier les images refusant de glorifier les bandits de quelque manière que ce soit, ainsi que la période retenue, relativement courte (après la seconde guerre mondiale jusqu'à nos jours). Les auteurs passent en revue et présentent l'évolution des grandes tendances du banditisme ne France, conformément à la promesse du sous-titre. Le lecteur peut apprécier la manière dont ils font ressortir l'adaptabilité de ces bandes, avec agilité et souplesse, en fonction des évolutions sociales et technologiques. Par comparaison avec d'autres tomes de la même collection, il peut regretter un propos pas tout à fait assez dense, qui le laisse sur sa faim.