Un album assez particulier et incongru pour le lecteur du fait qu'il n'y est pas vraiment question de sport automobile, mais qui présente l'intérêt de révéler un nouveau discours amoureux à destination des adolescents dans le contexte pré1968 des rapports tendus entre générations.

L'interprétation que je propose s'appuie sur l'analyse des contes de fées, une fois de plus je regrette l'absence de notes de bas de page pour fournir les références théorique à ma démonstration. Le texte sera donc sans références si vous souhaitez que je les ajoute, dites le moi en commentaire.

L'éveil de Gabrièle

En 1965, le pilote Michel Vaillant se trouve pris dans une aventure, « Les chevaliers de Königsfeld » sans véritable liens avec le sport automobile, où il doit dans le cadre de conte de fée d'un château fort médiéval affronter un mystérieux chevalier qui semble directement surgit du moyen age. Dans le même temps il rencontre en la personne de la jeune Gabrièle Spangenberg une femme qui lui fait des avances autrement plus précises que l'attitude dilatoire de Françoise Latour.

A l'instar du conte « Peau d'âne », l'épisode « Les chevaliers de Königsfeld » peut se lire, comme le roman initiatique d'une jeune fille qui en empruntant les codes symboliques du conte de fée, lui permet l'entrer dans la vie adulte en liquidant son complexe d'œdipe.

Le père de Gabrièle Spangenberg qui apparaît semblable à une figure royale de conte de fée vit seule avec sa fille (la mère est absente sans que l'on sache pourquoi) qu'il couvre de cadeaux (elle reçoit une Mercedès en cadeau d'anniversaire (Pl.5 4/3)) dans un château hors du temps, attitude qui pourrait faire craindre qu'il ne devienne un père de type abusif, évoquant le roi du conte « Peau d'âne » s'il n'avait la sagesse d'inviter sept jeunes pilotes à séjourner dans son château médiéval. Invitation qui semble n'avoir d'autre but que de leur présenter sa fille ainsi que l'exprime sans détour Steve Warson qui constate qu'il n'y a pas beaucoup de positif « à part le bon vin de herr Konder et le rire de Gabrièle » (Pl.15 1/1). Le vin évoquant symboliquement la sexualité, même s'il n'est pas préciser s'il est rouge ou blanc est associé à deux figures paternelles le père de Gabrièle qui l'offre à boire aux pilotes, potentiels princes charmants de sa fille princesse, et Konder qui sous l'apparence inoffensive d'un marchand de vin revendique être le véritable maître du château quand il revêt le costume du chevalier masqué Gottfried de Königsfeld. Dédoublement de la figure paternelle qui illustre l'ambiguïté psychologique d'une jeune fille qui au seuil de l'age adulte se doit de renoncer à l'amour qu'elle porte à son père pour le reporter sur un autre. Si son père qui lui offre, et l'offre, aux jeunes chevaliers-pilotes, incarne le désir de grandir et de s'émanciper; Konder / Gottfried de Königsfeld en kidnappant les pilotes pour les réduire à la dimension de petits garçons préœdipien exprime la tentation régressive de vouloir rester une petite fille entièrement absorber par l'amour exclusif de son père. En enfermant les prétendant de la belle le chevalier-masqué s'assimile à un mauvais père qui prétend conserver l'amour de celle-ci pour lui seul et réduire les pilotes au rang d'eunuque en les empêchant de participer au Grand Prix du Nurburgring ce qui revient à les castrer en les privant de l'expression de toute phallicité. La belle devant rester le trésor (vierge) du château à la manière de la belle au bois dormant.

Idéalisant son père comme en témoigne la passion pour le sport automobile qu'elle partage avec lui (Pl.5 4/3), Gabrièle jette, très vite, son dévolu sur celui des sept jeune gens qui lui ressemble le plus, Michel Vaillant .

Son attitude vis à vis du héros de témoigne d'une rupture vis à vis des codes encadrant la mise en place des relations entre jeunes gens qui prévoie que l'initiative revienne au garçon. Sa première démarche consiste à s'imposer auprès de Michel Vaillant, sous couvert d'enquêter sur la disparition d'un pilote, dans la visite un lieu lourd de sens, une chambre à coucher sans qu'il le lui ait demander (Pl.7-8), après la visite de la chambre, qui demeure hors champs, elle le défi à la course à pied. Plus tard elle l'accompagne dans son exploration des alentours du château acceptant d'aller avec lui à « l'endroit où l'on ne va jamais » à condition qu'il lui « donne la main » (Pl.18 4/2). Comportement de la jeune fille qui à travers un langage métaphorique de conte de fée renvoie à des avances sexuelles qui inverse systématiquement les codes du rituel amoureux traditionnel. La jeune fille prend l'initiative de manifester son désir au garçon « Michel... je vous accompagne » (Pl.7 3/3), la chambre à coucher, sous entendant la sexualité, apparaît avant la demande officiel de demander « la main » qui renverse l'usage traditionnel qui exige que le garçon prenne l'initiative. La suite de la séquence poursuit le même renversement métaphorique. Si elle n'est pas tenter de « descendre la colline pour tomber dans les bois » surtout qu'il faudra « la remonter » (Pl.20 1/ 2), elle accepte sans problème de le suivre dans une soupente obscur qui se révèle ensuite être l'entrée secrète d'un souterrain qui, s'ouvrant par le maniement d'un anneau, conduit à la crypte secrète du château.

Si la jeune fille semble prête à suivre plus loin le héros dans l'aventure, c'est à dire s'engager dans la sexualité que représente métaphoriquement l'anneau et le souterrain. Le héros préfère ne pas aller plus loin, vaguement effrayer par le désir féminin et c'est finalement plus tard en compagnie de son ami Steve Warson que le héros s'engage dans le souterrain en manipulant l'anneau.

L'ambivalence de la figure paternelle dédoublé en deux entités, le père et le chevalier, illustre le dilemme auquel se confronte la jeune fille qui d'une part pour grandir doit s'ouvrir à l'autre et d'autre part se confronte à la tentation de vouloir rester la petite fille de son père dont elle veut conserver l'amour exclusif qui s'incarne dans le chevalier / mauvais père qui entend la conserver pour lui seul.

Quand une fois l'aventure terminé, le mauvais père est arrêté par la police, cette arrestation peut s'interpréter comme une réaffirmation de l'interdit de l'inceste père fille (la police faisant figure de censure du surmoi). Si Gabrièle promet au chevalier, désormais démasqué, de ne jamais l'oublier (Pl.60 4/2), cette promesse résonne comme un adieu à l'enfance et elle s'empresse de faire promettre au héros-prince charmant Michel Vaillant de revenir à Königsfeld (Pl.61 2/1) sous entendu pour venir la chercher.

Le combat à l'épée en le chevalier masqué-père et le héros Michel Vaillant-prince charmant opère comme une libération pour Gabrièle qui voyant son démon exorcisé par l'homme qu'elle a choisit, lui permet d'accomplir le geste auquel elle n'a pas oser succomber précédemment en indiquant aux policiers l'existence de la soupente où il faut manipuler l'anneau, symbolique de l'union sexuelle et du mariage, pour ouvrir le souterrain menant à la crypte retenant les princes charmants prisonniers.

Si l'attitude de la jeune fille au début du récit opère un renversement des rites habituels de l'amour, la jeune fille prenant l'initiative de manifester sont désir au jeune homme sur lequel elle a jeter son dévolu, la fin du récit reste fidèle à une vision traditionnelle de l'amour. Le héros / amoureux / futur mari étant chargé de par sa phallicité d'arracher la jeune vierge à l'emprise du père.

En contrepoint les tergiversations du héros à l'égard de Gabrièle qu'il tente d'oublier à l'issue de l'aventure comme semble le révéler la surprise qu'il manifeste en la voyant débarquer à au début de la course des 24 heures du Mans à la fin de l'épisode de l'épisode (« Concerto pour pilote » Pl.58 3/2) met en scène la gêne teinté de crainte qu'éprouve le jeune garçon face à la manifestation du désir féminin qui le renvoie à la crainte infantile de dévoration s'associant au féminin.

De manière claire, il refuse d'ouvrir la porte du souterrain secret en présence de Gabrièle mais s'y engage plus tard avec Steve. Ayant grâce à la compagnie de son copain conforté sa virilité il peut exhiber et exercer sa phallicité dans un fantasme guerrier celui de se battre à l'épée avec le chevalier masqué (Pl.45-49).

Par contre l'affrontement avec le mauvais père chevalier ne lui pose pas de problème dans le sens où il correspond aux standards du héros chevaleresque qui rêve de détruire les démons qui emprisonnent une belle et faible créature qui peut parfaitement se confondre avec une mère sublimée .

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le 29 oct. 2022

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