À domicile
Ce 9ème tome est du même tonneau que le précédent (même s'il n'y est plus question de tonneau). Un très bon album. Goscinny part dans un délire étrange, où les Normands cherchent à avoir peur pour...
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le 20 juil. 2011
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BD franco-belge de René Goscinny et Albert Uderzo (1966)
Quand en 1966, l'épisode d'Astérix « Astérix et les normands » confronte le jeune Lutécien Goudurix à la vie du village gaulois, la campagne apparaît encore comme le conservatoire d'un style de vie capable de corriger la possible déviance d'une jeunesse ramollie par la vie citadine . La ''mise au vert'' du jeune homme fait également écho au phénomène déjà ancien d'éducation de la jeunesse par le contact avec la nature qui associe régénérescence physique et morale. Si l'envoi de Goudurix chez son oncle, Abraracoursix, exalte un mode vie rural encore présent dans les mémoires de citadins nostalgiques de la campagne de leurs origines, la campagne mise en scène à travers le village gaulois apparaît cependant déjà comme un monde en mutation s'ouvrant sur le monde extérieur . La case d'ouverture présente un village coquet dépourvu d'activités agricoles et artisanales mais pourvu d'un facteur et les poubelles disposés le long de la rue suggèrent l'existence d'un service de voirie. La même case révèle qu'un villageois reçoit le catalogue de la manufacture des armes et des chars (version antique et parodique du catalogue Manufrance) ce qui suggère l'achat régulier de biens de consommations. Le chef reçoit des nouvelles de son frère installé à Lutèce (Pl.1) et la suite du récit révèle qu'il se tient également au courant de la situation international.
Le trajet Lutèce / village ne semble pas poser de problème au jeune neveu du chef Goudurix qui le parcours en un temps record (sitôt annoncé, sitôt arrivé) à bord d'une transposition antique de Ferrari , un char fabriqué à Mediolanum (Milan), rapidité des relations ville campagne qui tranche avec le périlleux trajet effectué six ans plus tôt (1960 « La serpe d'or ») par Astérix et Obélix pour aller acheter une nouvelle serpe d'or au druide dans « la lointaine Lutèce » .
Si le village possède une sociabilité traditionnelle bien vivante, comme l'atteste la pratique de danses où sous la conduite du barde qui bat la mesure sont codifiés les rituels amoureux entre jeunes gens sous le regard des ainés.
Il suffit que le jeune lutécien Goudurix impose une nouvelle musique pour que les jeunes de l'assistance s'abandonnent au twist (Pl.4 1/ 2). La liberté de mouvement dont témoigne Obélix à cette occasion (Pl.4 2/4) qui contraste avec la timidité rougissante dont il faisait preuve précédemment (Pl.3 2/3) illustre le soulagement d'une génération se débarrassant d'un carcan social. Quand le barde reprend sa lyre et interprète une chanson traditionnelle tout le monde déserte la fête (Pl.4 4/1). En une courte séquence une acculturation des pratiques festives du village au profit de nouveautés urbaines et juvéniles s'est accomplie, interdisant tout retour en arrière .
Que cette courte illustration du décalage ville / campagne adultes / jeunes s'effectue à l'occasion d'un bal n'est pas dû au hasard. Dans le monde rural en mutation des années 60, le bal constitue à la fois le symbole d'une sociabilité traditionnelle où les rapports entre jeunes des deux sexes sont strictement codifiés sous la surveillance des adultes et un lieux où se diffuse de nouvelles danses et usages venus de la ville . Avant que la boite de nuit ne le détrône totalement le bal semble avoir durant un temps constituer une structure intermédiaire de diffusion de nouveaux usages sociaux.
La musique très rock n'roll qu'impose Goudurix provoque une libération des corps des jeunes filles et garçons du village qui s'émancipent du contrôle social et corporel des danses folkloriques. Cette rapide émancipation de la jeunesse par la danse et la musique renvoie au développement de la pratique sexuelle du flirt qui, à la même époque, dissocie caresses et baiser des rapports coïtaux et la pratique du coït de l'obligation du mariage .
L'image d'une jeunesse unie
A travers le programme éducatif des héros, les récits proposent une vision unifiée de la jeunesse qui gomme les différences de génération et de classe sociale.
Le personnage de Goudurix présente ainsi l'image d'une jeunesse de synthèse combinant à la fois deux générations et deux couches sociales différentes. Le char / voiture de sport à bord duquel il débarque au village le rattache à l'image d'une jeunesse dorée et snob incarnée au début des années 60, par R. Nimier et F. Sagan , tandis que son apparence vestimentaire (cheveux long, blouson noir, chaine en or ) le rattache aux adolescents que la nuit « Salut les copains » place de la Nation le 22 juin 1963 à révélé au grand public. Les références (parodiques) musicales de Goudurix relèvent de la même synthèse inter-générationnelle. La danse « Le monkix » (Pl.3 4/2) et la salle de concert l'Olympix où « on tape plutôt sur les fauteuils que sur les les chanteurs » (Pl.4 4/2) renvoient la mode des chanteurs ''Yéyés'' idole des baby-boomers nés après 1945 tandis que les « catacombes de Lutèce » où l'on danse évoquent les caves de Saint Germain des Prés rattaché à la génération née avant ou pendant la deuxième guerre mondiale qui a vécu son adolescence au cours des années 50 et qui accède à l'âge adulte pendant la guerre d'Algérie .
Créée
le 23 déc. 2022
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