À lire avec extraits sur : http://branchesculture.com/2017/12/11/les-gens-honnetes-matteo-4-jean-pierre-gibrat-bd-litterature-formidable-cadeaux-fin-annee/
Quatre saisons (et un peu plus), ça suffit à faire (un peu) le tour des vies dans ce manège incertain qui voit les feuilles se parer de leurs habits de beauté avant de se flétrir un peu plus tard. Dans le tourbillon de la vie cher à Jeanne. Et s'il y a un point de départ et une chute finale, rien ne présage ce qu'il va bien pouvoir se passer dans cette trajectoire où le hasard a son rôle à jouer. Il y avait Vincent, François, Paul... et les autres , voilà Philippe (incarnation bdgénique d'un Michel Vuillermoz dans toute sa puissance), Fabrice, Alex, Fanny, Robert, Camille et les autres. Sans oublier Jean-Pierre et Laurent Durieux en orchestrateurs de cette symphonie aux variations extrêmes, mais mêlant si bien bande dessinée et envolées littéraires (pour les irréductibles qui penseraient que la bande dessinée, ce n'est pas de la littérature, voilà la preuve que c'est bien plus).
Dans cette histoire en quatre actes et fluide au possible malgré ses airs de pavé, entre les péripéties et les moments de bravoures simplement, banalement même, humains; on se dit que ces Gens Honnêtes sont peut-être des cousins pas si lointains des Vieux Fourneaux, qu'il y a dans l'ADN du combo royal Gibrat-Durieux les prémisses du phénomène BD actuel. Après, s'ils sont honnêtes, ils ne se disent pas forcément tout. Comme Philippe, notre héros proche de la banqueroute mais trouvant le toupet d'assurer que tout va bien dans le meilleur des mondes à sa maman. Comme Camille qui préfère partir au loin et laisser une lettre.
Des lettres, il y en a d'ailleurs beaucoup dans cette épopée du quotidien, intime, épistolaire, intense. Une épopée animée par de jolies âmes qui n'ont plus rien à perdre et préfèrent opposer à la lourdeur de l'existence une légèreté de bon aloi. Les gens honnêtes est une affaire de rencontres, dans un train autour d'un business (mais en est-ce quand contre quelques sous, on donne du bonheur aux gens même en leur ôtant quelques tifs), dans le trésor d'une librairie. De départs aussi, parfois.
Ainsi, deux petits tomes et puis s'en va, et Jean-Pierre Gibrat a confié le bébé à Laurent qui, de tout son être comme pour compenser le manque, a fait bouillir le chaudron de la chaleur humaine un peu plus fort pour offrir deux autres tomes qui, balayés par des tempêtes, ont vécu un peu plus fort, au fil des cases qui reprenaient le pouvoir, s'agrandissant sans jamais éclipser la folie littéraire et amoureuse, contagieuse, que Gibrat avait insufflée. C'est magnifique.