Variation jazz en série noire,
le second tome des Révoltés joue des circonvolutions lentes de l'intrigue installée pour venir mettre en lumière les liens intimes et incestueux de la haute bourgeoisie et des mafias en gardant le narrateur toujours dans le viseur, témoin central des drames qui s'y trament.
Dès l'introduction les ombres s'épaississent, assumées, tandis que le découpage semble se peaufiner : l'impression se confirme tout au long de l'album, d'enrichissement sensible de la palette des cadres, variés et alternés
avec un soin du détail quasiment cinématographique
qui vient dérouler sa narration lente. Les regards un peu trop habités disparaissent et le relief se fait. Marc Malès propose là un travail soigné autant que vivant, aux élans narratifs et symboliques maîtrisés - la récurrence de l'ourson qui vient faire écho à l'échappée finale du tome précédent, la mise en scène à la limite des eaux lors de cette séquence dont est tirée la couverture.
Et puis cet enfant, il pouvait être de moi, non ?
Possible. On ne le saura jamais. Je ne veux pas qu'on sache !
Le scénario de Jean Dufaux vire au polar tandis qu'il resserre les liens entre les univers du narrateur, de ce passé lié à cette famille aux enfants en rupture - ses amis - à ce qui l'attend au bercail - entre des obligations professionnelles en déroute et l'ombre de la mafia dans le dos. Derrière la quête de l'enfant enlevé, les urgences de paternité, et les implications distantes d'un parrain parvenu, là où l'argent prend le pas sur les sentiments avant de ne laisser que le deuil ou la folie, l'étau se resserre et développe une seconde intrigue.
La construction narrative est subtile,
intelligente, et fonctionne tout en apportant toujours plus d'épaisseur aux personnages principaux, les dévoilant sans encore dévoiler ce qui nous tient doucement en haleine.
En refermant le chapitre dans le club même où il s'ouvrait, aux mêmes intonations profondes d'un jazz enfiévré plein de fureur et de sueur, Jean Dufaux et Marc Malès signent un second tome aux parfums de whisky frelaté, de mare décomposée et de coups de sang retenus : les mystères, loin de se résoudre, s'épaississent, gagnent en intensité sans forcer la dose, avec patience. Les Révoltés se révèle
polar sourd sous les secrets intimes éventés.