Résolutions mortifères et impasses à fuir, Les Révoltés se clôt dans
un dernier élan emporté de désillusion.
Les nombreux protagonistes ont beau lutter, qu'ils y gagnent ou qu'ils s'y laissent noyer, ils se heurtent aux poids trimballés de leurs actes et de leurs regrets.
En une embardée initiale, le mouvement semble s'accélérer autour des deux femmes dont Waldo se sent la charge affective autant que la responsabilité - ces fantômes qu'il pourchasse inexorablement - tandis qu'il se retrouve coincé là, à ne savoir qui secourir ni comment.
Il y a comme une fatalité dans ma vie... Les gens s'échappent,
sortent du décor... Je les supplie de revenir... Mais personne ne
répond... Et je cherche... Je cherche des ombres...
Bientôt le récit abandonne Blanche et se concentre là, lointain. Les noeuds se délacent et le narrateur fait défiler des vies qui passent, nécrologies prévisionnelles ou passées qui portent le poids d'existences trop lourdes à supporter pour ne pas finir par fuir, d'une chute patiente ou instantanée, sous les eaux ou dans le feu. Fuir.
Jean Dufaux recentre le propos autour du personnage principal en éclatant les drames autour de lui comme pour mieux l'étouffer, et le contraste là entre la narration débridée et
l'étau sourd qui répand ces tragédies sordides et stupides,
de violences démesurées sur les vies ineptes, pèse sur l'ambiance et malheureusement sur la fluidité, passe un peu à côté des attentes.
Graphiquement, l'ouvrage confirme le travail de Marc Malès sans qu'il y vienne étoffer les propositions. On retrouve cette large variété de cadres qui vient
porter le rythme aux détails et tenter l'extension dramatique
mais on regrette l'ambiance lourde du tome précédent - peut-être simplement du fait des choix narratifs.
Sans être décevant, cet ultime épisode des Révoltés déroute - probablement volontairement - en empruntant d'inattendus chemins, coinçant le narrateur autant que le lecteur entre
deux points de tensions malheureusement déséquilibrés.
Le propos passe malgré tout mais le virage au polar noir du second volume manque dans cette résolution psychologique centrée davantage sur le personnage central que sur les intrigues développées. Sans être éblouissante donc, cette collaboration de l'auteur Jean Dufaux et de l'illustrateur Marc Marès reste une courte série plaisante aux personnages épais, vrais,
un récit de pègre et de famille, de désillusion
où, sous quelques touches de respirations claires sous le marasme, s'écoulent, poisseux et pesant, les échecs et les impasses inextricables de vies qui, si elles ne peuvent se fuir, se doivent au moins de se supporter. De peut-être même tenter d'apprécier le peu de goût qui reste sous les amertumes.