Quand les pilotes de guerre perdent leurs uniformes
Les trafiquants de la Mer Rouge est, parmi la saga Buck Danny, un OVNI. En effet, ce sont les seuls épisodes (ou presque) où Buck et ses deux compères ne sont pas impliqués dans une série d'événements en tant qu'officiers de l'armée américaine.
La seconde guerre terminée, le Japon vaincu, l'armée licencie en masse. Désolé, on n'a plus besoin de pilotes, bon boulot, voici vos médailles à présent payez-vous une bagnole, un télé, épousez Miss Holmes et vivez heureux. Seulement tout n'est pas si rose et voilà nos héros au chômage. Le diplôme d'ingénieur de Danny ne vaut plus rien, la guerre est passée par là, Tumbler est aussi sans emploi bien que l'on ait aucune idée de sa formation quant à Tuckson, eh bien notre joyeux texan n'a tout simplement pas fait d'études. Pour manger on accepte n'importe quoi, même les emplois pourris au profit de compagnes aériennes douteuses, inconnues et tous les moyens sont bons pour rejoindre le lieu de travail au Moyen-Orient. C'est sûr que ça change de la vie au sein du cocon protecteur des forces armées. Nourri, blanchi et logé, faut avouer que si l'on risquait franchement sa peau c'était toujours mieux que la rue et les avions miteux.
Buck Danny et ses comparses ainsi que la série en général se trouve là dans une période axiale, celle de l'après guerre et du futur des héros. Rempileront-ils ou deviendront-ils des produits d'un monde en pleine transformation ? Car le personnage quasiment unidimentionnel qu'est Buck Danny (une fois séparé de ses deux copains) bascule ici dans un monde potentiellement beaucoup moins manichéen ou en tout cas considérablement plus glauque que ce qu'il a connu comme en témoigne le trafic auquel il est forcé de prêter son concours et des intérêts, beaucoup plus occultes, qu'il est en train de servir.
" Les trafiquants de la Mer Rouge ", premier d'une trilogie (il y aura donc normalement trois critiques à lire comme un système) où un Buck Danny semble sur le point de s'écarter du "droit chemin" ou en tout cas prendre une voie très particulière, celle du mercenaire d'un monde qui va connaître beaucoup de conflits intra-étatiques (et quelques interétatiques violents) basés sur l'idéologie, des frontières mal tracées ou des mandats coloniaux que certains refusent devoir révoqués (le Bush...). " Les trafiquants de la Mer Rouge " sont la porte d'entrée de Danny dans ce monde, peu palpitant, il est cependant une ouverture vers d'autres cieux que ceux dans lesquels il évoluait avant et en la matière, il remplit fort bien son rôle.