On attend toujours cette discussion sur l’œil de Carl que Rick a promise à son fils pour le lendemain à la page 31 du tome 16. Du coup, c’est Negan qui s’y colle… à la Negan : « Nom de Dieu, la vache ! Pas étonnant que tu caches ce bordel. C’est dégueulasse ! Non mais t’as vu ça ?! | Je veux dire… tu t’es vu dans la glace ? Je ne t’en voudrai pas si tu n’as jamais regardé. C’est immonde » (p. 61), ça a le mérite d’être clair… Disons qu’on tient peut-être là une forme de psychothérapie avant-gardiste : soigner le silence complexé par la parole décomplexée. (En vérité j’ai connu des gens d’une autre génération qui auraient pu pratiquer ainsi…)
C’est l’occasion d’installer un fil narratif en or pour la suite : Negan comme père de substitution pour Carl. Ou plutôt, en tant que symbole, il serait plus précisément « l’oncle scandaleux », au sens où l’entend Michel Tournier dans le Vent Paraclet. À Rick l’éducation au quotidien, la morale, la prudence, les petits déjeuners équilibrés, etc., à Negan la partie trash – c’est-à-dire adolescente ! – du boulot : la gueule dans le miroir, les gros mots et le sexe. « Tu as de la lave en fusion dans les couilles » (p. 23), dit l’oncle au neveu, ce qu’un père ne pourrait pas décemment dire à son fils. Cette idée et ses conséquences – Carl comme mini-Negan, et donc Negan comme double de Rick – justifient le fait que le plus grand méchant de la série laisse un môme de douze ans entrer dans son sanctuaire et y tuer une demi-douzaine de gardes…
Je crois que c’était la meilleure trouvaille de l’album, tout entier construit autour de cette scène – “You are the sunshine of my life”, tout ça… Le reste ne fait que prolonger les tomes précédents. Sauf à la fin. Et je crois que c’est là que ça commence à merder. Même pour les lecteurs qui comme moi pensaient que Walking Dead frôlait parfois le grand-guignol. Dire que je trouvais que Gregory avait un côté bouffon… Ouais. Ézéchiel. Ézéchiel et surtout son tigre.
Avec Ézéchiel et son putain de tigre, on ne frôle plus le grand-guignol, on est en plein dedans. Un peu comme si on mettait Mon petit poney au milieu d’un western. Si j’avais lu les albums au fur et à mesure de leur parution, je me serais dit « On va Attendre de voir ». Là, je veux bien attendre, mais je ne sais pas si j’ai envie de voir…
P.S. : J’avais d’abord envisagé un autre titre pour cette critique, mais il serait déjà presque pris par un film X.
Critique du tome 17 ici, du 19 là.