La collection « Les Étoiles de l’Histoire » s’enrichit d’un nouvel album. Bernard Swysen et Christian Paty s’intéressent à une icône hollywoodienne sur laquelle se portent tous les fantasmes : Marilyn Monroe. Quelle femme obstinée se cache derrière la nymphette apparente de Sept ans de réflexion ? Quel a été le parcours de celle qui fut tour à tour liée à Joe DiMaggio, Yves Montand, Elia Kazan, Arthur Miller et même John F. Kennedy ?


Dans sa préface, l’actrice et productrice française Mylène Demongeot opère une distinction importante : il y aurait d’un côté Norma Jeane Mortenson et de l’autre Marilyn Monroe. La première apparaît vulnérable et délaissée, tandis que la seconde a tout de l’étoile hollywoodienne dont l’éclat ne cesse de croître. Deux faces discordantes cohabitant au sein d’une même personne. Cette dualité est d’autant plus difficile à mettre en images (et en paroles) que la célèbre actrice blonde a parfois semblé elle-même scier la branche sur laquelle elle était assise : ses retards à répétition, ses relations erratiques avec les hommes, ses velléités parfois capricieuses, son penchant pour les médicaments et l’alcool ont contribué à ternir son image, au point que des personnalités éminentes telles que Billy Wilder ou Tony Curtis ont pu tenir des propos acerbes, voire désobligeants, vis-à-vis d’elle. Le grand pari de Bernard Swysen est de condenser ces deux aspects de la personnalité de Marilyn Monroe, mais surtout ce qui les sous-tend, dans une bande dessinée biographique d’à peine cent pages.


Marilyn Monroe a-t-elle un jour été heureuse ? La question peut certainement paraître naïve, et pourtant il ressort de cet album une profonde impression de désillusion. Une désillusion tenace et constante, qui a poursuivi l’actrice tout au long de sa vie. Son enfance et son adolescence occupent environ un tiers de la bande dessinée : on y voit Norma Jeane ballotée de foyer en foyer, rejetée par sa famille ou ses tuteurs, méprisée ou abusée, puis précocement mariée, dans le seul but d’échapper à l’orphelinat. Sa mère fut internée à l’hôpital psychiatrique, tandis que son père putatif a longtemps été pour elle personnifié par Stanley Gifford, dont la photographie ornait le vestibule de la maison familiale. À peine majeure, elle débute une carrière dans le mannequinat, avant d’être repérée par la 20th Century Fox, où elle végétera des années, en manque de perspectives professionnelles. Le peu de rôles qu’on lui accorde se révèle alors insatisfaisant. Elle a l’impression d’être enfermée dans une case de pin-up ahurie bien trop exiguë pour elle. La suite va-t-elle amender cette trajectoire cruelle ? En apparence seulement, pourra-t-on répondre à la lecture de cette bande dessinée. Car si Marilyn Monroe devient une star internationale et fonde sa propre société de production, elle reste longtemps sous la coupe de contrats coercitifs, multiplie les déconvenues amoureuses, peine à se relever de plusieurs fausses couches et sombre peu à peu dans l’alcool et les médicaments. Un événement nous apparaît des plus symptomatiques : la célèbre séquence de la robe soulevée par le souffle d’une bouche de métro vaut à l’actrice une postérité iconique… et un divorce.


Marilyn Monroe a plus d’un atout à faire valoir. Les dessins raffinés et vivants de Christian Paty nous renvoient sans mal dans les années 40, 50 et 60, tandis que Bernard Swysen parvient à saisir l’essence d’une vie à la fois sombre et irradiée de lumière. En usant d’ellipses à bon escient, en ne taisant rien des caprices de Monroe, en la dotant d’une abnégation et d’un courage remarquables, le scénariste nous la présente sous un double jour : en plus de la dualité Norma Jeane Mortenson/Marilyn Monroe, on découvre une femme vulnérable et exigeante vis-à-vis d’elle-même, parfois victime de sa beauté (les abus, les garçons entreprenants, les photos de charme) et souvent promotrice assidue de sa propre image, travaillée dans la chair (la chirurgie esthétique) et dans ses effets (les arrivées tardives et minutieusement préparées lors de réceptions mondaines). Tout et son contraire, toujours, de la gloire à la perdition.


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Cultural_Mind
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le 12 juin 2020

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