9/11, le jour où McCurry, l’homme qui voulait voir tomber la pluie, a vu tomber les cendres du 11 se

Critique et extraits sur: https://branchesculture.com/2016/09/15/bd-mccurry-11-septembre-photo-morvan-dupuis-magnum/


15 ans plus tard et toujours pas remis. S’en remettra-t-on d’ailleurs un jour de ce joli jour de septembre sur Manhattan qui s’est transformé en cauchemar. Un cauchemar qui n’a cessé de répandre ses démons et ses fantômes, depuis. Le 11 septembre reste dans toutes les mémoires. Et si tout le monde se rappelle de ce qu’il faisait au jour et à l’heure où deux avions devenus fous semaient le chaos, ce n’est pas qu’un cliché. Ainsi, McCurry, NY 11 septembre 2001 (BD se mêlant aux photos de Steve McCurry) fait le bond entre hier et aujourd’hui. Emmené par le duo Morvan-Trefouël (déjà derrière les albums sur Omaha Beach et Cartier-Bresson) et sublimé par le dessin de Jung Gi Kim et les couleurs de Walter Pezzali, cet album nous emmène sur le chemin de foi plus que de croix de ce photographe qui a frôlé la mort plusieurs fois, d’un bout à l’autre du monde, pour livrer des photos incroyables. Tout en se remémorant sans cesse cette phrase de Robert Capa: « Si ta photo n’est pas assez bonne, c’est que tu n’es pas assez près. »


Résumé de l’éditeur: Steve McCurry était à New York le 11 septembre 2001. Manhattan est son île, son port d’attache entre deux reportages de l’autre côté du globe. Les tours jumelles étaient au centre de son horizon. Il les a vues tomber, s’est approché au plus près, photographiant sans comprendre, cadrant les cicatrices de la ville et de ses habitants.


« Personne ne sait au juste comment l’écrire ou l’appeler: 11 septembre, 11/09/2001, 9/11, Nine Eleven… ». Dans sa préface, le directeur de la collection Aire Libre, Louis-Antoine Dujardin, a raison de rappeler à quel point la barbarie du 11 septembre a quelque chose d’innommable. Comme la fin d’une innocence bien gardée depuis un bon moment par les Occidentaux que nous étions. Innommable, oui mais pas forcément irregardable et immontrable. La preuve, quinze ans plus tard, notre regard s’arrête toujours autant sur les photos, ces actes de bravoure sur pellicule, qui nous rappelle le séisme dramatique et traumatisme du « Ground Zero ».


Si Morvan et Trefouël ont choisi d’isoler et de braquer nos regards sur le travail de Steve McCurry, au-delà de la beauté de ses photos même baignées d’horreur, c’est aussi parce que la mort est une de ses vieilles amies. Mais jamais son impact n’avait eu lieu aussi près du bureau de Steve. « J’ai l’habitude de voyager des heures pour me rendre sur les champs de bataille, mais là, pas besoin de passeport, il m’a suffi de monter quelques marches.«


De près ou de loin, pourtant, plusieurs fois dans sa vie de photographe, il y a été confronté. Pire, la mort l’a harcelé sans relâche: en Inde sur ce pont pourri, dans l’explosion de cette caserne des casques bleus en Afghanistan sans oublier le crash de son avion dans le Lac de Bled en Slovénie. Plus récemment, c’est dans les travées du Stade de France, en simple spectateur, que Steve a vu la mort de près quand trois terroristes font exploser à la fin du match France-Allemagne, le 13 novembre 2015. Steve n’a ce jour-là que ces yeux et son smartphone pour photographier l’histoire qui se répète. Pour photographier la mort, encore faut-il l’avoir vécue ou du moins frôlée.


Bien plus qu’un ouvrage sur le 11 septembre, cette BD (qui tient fortement du beau livre) est un voyage à reculons dans les souvenirs de McCurry, ce photographe de guerre « par accident » qui, au début de sa carrière ne rêvait que de voir tomber… la pluie des moussons indiennes. Un rêve de gamin devenu un superbe reportage qui lui ouvrit les portes du monde, celui des hommes: les puits de pétrole en feu en Irak et ces êtres carbonisés, les enfants de la guerre en Afghanistan, un massacre aveugle dans un village des montagnes de ce même pays, la rencontre du commandant Massoud, le visage inoubliable de la Pakistanaise Sharbat Gula.


Bien sûr, il y eut des moments terribles et douloureux, pourtant rien n’entacha la foi de McCurry. Même si on le traita des fois comme un étranger venu faire des sous sur le dos du malheur du monde. Aux portes de Ground Zero dévasté où un policier refuse d’entendre qu’il « n’est pas un paparazzi » ou au coeur d’autres tragédies. « J’ai souvent tenté d’expliquer la situation, le pourquoi de mon travail. Mais ils ne me croient pas. Et à ce moment précis, ils n’ont pas la capacité de réfléchir. (…) Sans les photographes ni les reporters, sans la télévision ni la radio, nous n’aurions aucune idée de ce qu’il se passe ailleurs.«


C’est donc un vrai sacerdoce que met en valeur ce livre qui revient intelligemment et avec le recul nécessaire sur la tragédie d’il y a quinze ans. Jung Gi Kim (véritable sensation du dernier festival d’Angoulême), lui, déploie tout son talent pour mettre en image cette course contre-la-montre pour arriver au pied des ex-Tours du World Trade Center. Mais aussi cette course contre-les-années, de pays en pays, que n’a jamais cessé de mener McCurry. Ses photos incroyables s’imbriquent dans les cases de Kim, dantesques. Car chaque case devient une fresque et la science du dessinateur rejoint celle du photographe. Voilà sans doute l’ouvrage le plus abouti de la collaboration Magnum Photos-Aire Libre. Direct, efficace, tellement humain.

Créée

le 18 sept. 2016

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