Turquoise, à la fois bleu et vert clair, comme l'océan, l'écume et le monstre des eaux !
C'est ainsi qu'on pourrait résumer ce nouvel opus de Rahan qui récupère un peu le schéma narratif de Comme aurait fait Crâo avec son nouveau sorcier négatif, Tarok (il faut croire que si La Mère des Mères reste une divinité commune et positive, Lécureux ne voit que tares et tarés parmi ses représentants, chefs de culte: Rahan conserve son charme de fable communiste), un chef de clan enfin plus original et digne de marquer l'anthologie de la série, Tooboo, sorte de Long John Silver positif et glabre, pétri de gentillesse et de bonne volonté et son bestiaire.
C'est d'ailleurs ce bestiaire qui fait toute la beauté, le charme et le caractère terrifiant de ce récit, à se demander s'il n'est pas L'Île Noire ou Le Tintin au Tibet de la collection Rahan.
Âges farouches oblige, les animaux sont gigantesques, comme si le lecteur tombait avec le fils de Crâo dans un monde de Gulliver. Parmi eux, un immense albatros mangeur d'Hommes, inter-texte involontaire mais amusant moins à Baudelaire qu'à Coleridge et son Dit du Vieux Marin.
Mais c'est une Manta qui est la réelle attraction de cet album - la raie, pas la voiture. Un monstre bleu, gris, vert, cyclopéen et insidieux, au dard empoisonné et létal qui tue ou condamne à l'amputation, au démembrement. Une raie qui provoque la terreur sur une tribu entretenue dans le culte que lui voue leur sorcier.
Un beau Rahan, exotique et dépaysant.