Mushishi
7.8
Mushishi

Manga de Yuki Urushibara (1999)

Curieuse chose qu'un Mushi. Curieuse et intrigante. Ce que c'est ? Difficile à dire. Pour me montrer très vague en espérant néanmoins être le plus précis possible, il s'agirait d'entités occultes liées à la nature et se manifestant auprès des hommes sous des symptômes divers et variés. Du fait de la variété de ses incarnations, un Mushi, ça s'explique au fond davantage par l'illustration que la définition ; on ne peut pas couper à la lecture si l'on souhaite réellement comprendre de quoi il en retourne.
Ce concept vaporeux m'enchante dans son idée la plus élémentaire. L'œuvre est réellement éthérée ; on n'a pour une fois pas affaire à une tentative factice qui chercherait à se donner des airs de ce qu'elle ne serait pas. Le contexte est enchanteur ; cela, je veux bien lui accorder.


Dire ça, c'est admettre que le papier-peint est du plus bel effet. Les murs ont beau être joliment décorés, leurs motifs séduisent plus par leur originalité que leur esthétisme propre. Sans aller jusqu'à dire que Mushishi est abominablement mal dessiné, les planches m'apparaissent toutefois désespérément vides de contenu tangible. La chose est spéciale plus qu'elle n'est belle. Rien ne lui interdisait d'être les deux à la fois. Son volet onirique n'en eut été en tout cas que mieux servi sous une plume plus céleste.
Yuki Urushibara a au moins le mérite de ne pas en faire trop. Je lui reprocherais toutefois de ne pas avoir fait assez au regard du contenu qu'elle proposait. Les forces d'une nature pure et parfaite n'en seraient que davantage renforcées si la puissance de ladite nature nous apparaissait ostensiblement sous les traits d'une mangaka plus habile. S'il est des œuvres où la qualité du dessin ne revêt aucune importance, d'autres en dépendant au moins en partie. Plus qu'un mauvais point, c'est ici une occasion manquée qu'on déplore.


Présenté à un cadre mystique doucereux et modérément envoûtant, la comparaison avec xxxHolic était inéluctable. Bizarre, surnaturel et pourtant si paisible sans jamais suggérer une situation critique, Mushishi lui est pareil en tout point. Jusqu'aux dessins relativement similaires. Que CLAMP ait exercé son influence sur Yuki Urushibara est à mon sens indéniable. On retrouve dans l'écriture et la mise en scène de leur œuvre respective ce traitement somme toute féminin d'une thématique spirituelle avec tout ce sens du lyrique et du romanesque que cela comporte. Donnez le même thème à adapter à un auteur Shônen et il trouvera immanquablement le moyen d'en faire un manga de baston.
J'ai beau avoir généralement la dent dure quand il s'agit de croquer les créations manga occasionnées par le sexe faible, cette sensibilité féminine que je retrouve ici tranche agréablement avec ce à quoi je ne suis que trop habitué.


La légèreté, l'onirisme, la quiétude, ça enjaille mais ça ne nourrit pas son homme pour peu que celui-ci ait un appétit intellectuel un peu trop vorace. Au milieu d'une intrigue qui n'est en réalité qu'une succession d'histoires courtes d'une durée d'un chapitre ou deux et ne comportant qu'un unique personnage récurrent, la variété des cas de Mushis portés à notre connaissance ne suffiront pas à masquer la redondance qui ne tarde pas à se profiler. Ajouté à cela un personnage principal aussi plat que dénué du moindre charisme et l'ennui trouve alors très facilement ses accès à chaque chapitre.
Le qualificatif de «personnage» est déjà osé quand il est accolé à Ginko. Lui, n'est qu'une clé qui ouvrira une serrure par chapitre ; un solutionneur impromptu qui apparaît sporadiquement dans la vie d'inconnus le temps de résoudre leur problème de Mushi. Un exorciste itinérant. On se désintéresse d'autant plus facilement de lui qu'il n'a aucune autre ambition que celle d'errer aveuglément de rencontre en rencontre.
Si au moins son effacement de caractère était un prétexte pour que tous ceux qui croisent sa route ne flamboient le temps d'un chapitre. Hélas, tous les personnages n'existent ici qu'en surface. Qu'ils n'aient pas le temps d'être développés en un chapitre, je le conçois, mais de là à ne pas avoir de personnalité pour commencer... Les dialogues sont en plus assez peu fonctionnels, en tout cas, pas naturels. Maintes fois j'ai ressenti un sentiment de décalage quand des personnages étaient amenés à interagir entre eux. Je n'ai cependant pas le sentiment que cela fut souhaité par la narration, qu'il s'agissait plutôt d'une déplorable erreur de scénographie.


Onirique, oui, poétique... peut-être si l'on est très large dans son acception de l'œuvre, mais émouvant : certainement pas. Je n'ai pleuré à la lecture que lorsque je baillais. On nous propose une scène où les personnages ne sont pas écrits, les dialogues maladroits et l'intrigue absente. Que le décor soit joli ne suffira pas à sauver les apparences. Ou précisément si, seules les apparences seront sauvées : le fond est lui laissé à l'abandon.


Pour moi qui me détourne pas mal du format épisodique où l'on n'a que très rarement l'occasion d'approfondir quoi que ce soit, je n'ai évidemment pas trouvé mon bonheur. Quant au volet mystique, il envoûte le temps que le charme ne fasse plus effet ; passé le premier volume il n'avait déjà plus aucune emprise.


Si l'on apprécie l'onirisme à pas cher sans supplément aucun, il y aura je pense de quoi se rassasier. Ça aura en tout cas suggéré chez moi la somnolence plus que l'intérêt critique. Sans doute suis-je un éternel cynique, mais Mushishi n'a véritablement pas grand chose à offrir en dehors des grandes lignes de son postulat de départ. L'entrée, je veux bien, mais elle doit être suivie d'un plat de résistance et d'un dessert pour que je puisse prétendre avoir fait un repas complet.


On ne saurait dire au final si Mushishi dure trop longtemps pour ce qu'il a à nous offrir ou s'il a trop peu à offrir sur la durée qu'il se permet. Entre des dessins plutôt pauvrets, une mise en scène mollassonne et malhabile, des personnages insignifiants et une absence d'histoire un tant soit peu élaborée, on est cerné par autant de raisons de ne pas pouvoir aimer ce Seinen délicat. L'œuvre est aussi légère par le ton que par le contenu, elle ne pèsera par conséquent pas bien lourd sur ma mémoire.

Josselin-B
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le 14 mai 2020

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Josselin Bigaut

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