Rocky
7.7
Rocky

Comics de Martin Kellerman (2016)

Partenaire de glandouillage

Avec "Garfield", nous pensions avoir trouvé le miroir de notre feignantise, la retranscription de notre quotidien lorsqu'il se laisse dominer par l'Ennui et surtout l'impossible satisfaction de notre propre existence. Il reste toujours un totem valide, bien entendu, pour les enfants et les adolescents qui troqueraient bien leurs questions existentielles contre des lasagnes. Mais pour les jeunes adultes, leur Garfield, c'est Rocky : plus sexuel, plus grossier, plus bavard aussi, cette série de strips vaut le détour. Pourtant, tel Garfield, ce sont des histoires de mecs qui causent autour d'un verre, de nanas trompant leurs hommes et vice-versa, et de voyages déchés complètement pétés. La Loose à la Suédoise. Mais, tel Garfield, cette série de vignettes est conçue exprès pour que le plus grand nombre se reconnaisse dans ce portrait traditionnel. Pas super original donc, à première vue. Sauf qu'il souffle sur cette BD un formidable vent de liberté. Rien qu'avec l'édito, on comprend que tout est irrespect et ronchonnement gratuit. Le protagoniste est pitoyable, d'une virilité caricaturale, et pourtant sa connerie le rend super attachant, comme pour ses amis. Les gags, qui tournent sur une centaine de pages autour d'un mode de vie plein d'errance et d'aventures amoureuses chaotiques, sont écrites avec une rare truculence, qui font du pathétique un véritable moteur comique. En bref, un portrait générationnel tourné en dérision. On ressent d'ailleurs l'aspect totalement autobiographique du livre, déjà fortement insinué dans l'édito, l'auteur s'imprégnant de son personnage au point de ne point vouloir inventer. Mais, malheureusement, ça se retourne contre lui ! Un artiste ne crée jamais aussi bien que lorsque sa vie ne va jamais aussi mal ; le début du livre est très réussi, car Kellerman venait de se faire larguer et virer. C'est triste et cruel, mais c'est pas moi qui a inventé les codes de l'inspiration. Et c'est cette déroute existentielle qui donne la profondeur inédite des gags ! Puis, au bout d'une centaine de pages (oui c'est un pavé mine de rien), Rocky se maque. Et là, le perso y perd toute son originalité, et malgré les tentatives de son auteur, il en perd également son cynisme mordant. Même si certains gags restent mémorables (certains poussant même à une sincère réflexion), ils restent épars et surtout beaucoup trop calmes par rapport au personnage bourré d'excès que nous avions connus, auquel nous nous étions attaché. Le sursaut adultère est d'ailleurs pansé très rapidement... Malgré ce regain de rythme à la fin, je vous recommande vivement ces chroniques désabusées et drolatiques car, comme le dit si bien un critique à la fin du livre, utilisé comme citation : "ça nous change de la merde qu'on nous sert tout le temps !". Longue vie à la Suède.

Billy98
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les BD qui ont changé votre vie

Créée

le 30 janv. 2019

Critique lue 75 fois

Billy98

Écrit par

Critique lue 75 fois

D'autres avis sur Rocky

Rocky
aaapoumbapoum
9

Critique de Rocky par aaapoumbapoum

Une jeunesse suédoise désoeuvrée et hilarante. Des strips animaliers qui doivent autant à Fritz the Cat qu'aux livres de Joe Matt. Il est bien dommage de s'avouer que la suite ne paraîtra surement...

le 17 juil. 2012

1 j'aime

1

Rocky
Billy98
8

Partenaire de glandouillage

Avec "Garfield", nous pensions avoir trouvé le miroir de notre feignantise, la retranscription de notre quotidien lorsqu'il se laisse dominer par l'Ennui et surtout l'impossible satisfaction de notre...

le 30 janv. 2019

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Billy98
10

MA BIBLE

Mon film préféré. La plus grosse claque artistique de ma vie. Une influence dans ma vie. Un éternel compagnon de route. Le cinéma à l'état pur et au summum. Oui, vraiment ma Bible à moi. Je connais...

le 21 juin 2016

29 j'aime

12

Lulu
Billy98
10

Jamais été aussi désespéré, et jamais été aussi beau (attention: pavé)

Le Manifeste... Projet débuté par un court-métrage majestueux, accentué de poèmes en prose envoyés par satellite, entretenant le mystère, son but semble vraiment de dire: prenons notre temps pour...

le 15 mars 2017

27 j'aime

10

The Voice : La Plus Belle Voix
Billy98
2

Le mensonge

Je ne reproche pas à cette émission d'être une grosse production TF1. Après tout, les paillettes attirent les audiences, et plus les audiences augmentent plus les attentes montent, c'est normal. Je...

le 17 févr. 2018

20 j'aime

7