Une vision de la guerre qui n'st pas si catastrophiste et insiste plutôt sur la bravoure que sur l'horreur (bien que cette dernière soit présente), voilà qui est étonnant. Les auteurs ne cherchent pas à ce que les tirailleurs sénégalais soient pris en pitié, mais soient admirés, ce qui est au fond peut-être mieux, mais au risque de considérer la guerre comme justifiée.
Et dès le début, avec le meurtre de Jaurès, qui pense en son for intérieur que même lui ne parviendra pas à stopper la guerre, le présupposé un peu fataliste vis-à-vis de celle-ci me dérange un peu. de même, on n'insiste pas beaucoup sur la manière dont la guerre transforme les soldats ou sur le racisme de l'institution (on nous montre un sous-officier français attaché à ses hommes et un général raciste et étroit d'esprit, ce qui peut donner l'impression fausse les deux points de vue étaient également représentés dans l'opinion de l'époque).
Il n'est pas fait mention, surtout, du fait que les familles des soldats morts ne touchèrent jamais, que ce soit dans la Première ou dans la Seconde guerre mondiale, les pensions auxquelles ils avaient droit.
Enfin, le découpage des planches est parfois assez étrange, je pense par exemple à l'épisode avec la lionne, où l'action s'enchaîne assez étrangement entre les cases.
Malgré ces imperfections, Sang noir traite d'un sujet original et a le mérite d'aborder la guerre depuis le regard des Africains. On appréciera particulièrement le début de la bande dessinée, qui reconstitue avec réalisme, sans idéaliser ni victimiser la vie des campagnes sénégalaises au début du XXe siècle.