Est-ce que ce fut à cause de cette terrible claque infligée au petit Masatomo Tanahashi alors qu’il avait 7 ans ? Est-ce que ce fut en raison de ses difficultés d’apprentissage, relevées plusieurs fois dans le récit ?


De sa jeunesse à son adolescence le jeune homme subit une relation compliquée avec l’école. Assister aux cours est pour lui une torture, un défi qu’il arrive parfois à relever, mais le plus souvent il s’incline devant. Cette angoisse forte n’est pas sans conséquences : il en devient ainsi embarrassé et même terrorisé à l’idée de ne pas être «normal ».


Sa personnalité peu à l’aise avec les autres et très sensible le renferme sur lui-même. Le regard des autres le terrorise. Lors d’une période plus assidue sur les bancs d’une classe, il sera la victime d’un groupe d’enfants, avant que leur choix ne se porte sur quelqu’un d’autre, sur une autre cible.


L’universalisme du propos dépasse les frontières du Japon, justifiant sa présence sur notre sol. Masatomo Tanahashi se torture de ne pas être comme les autres, mais son sort ne dépend pas que de lui. Ses relations avec d’autres jeunes seront parfois plus apaisées, plus joueuses, mais aussi plus cruelles, rappelant que l’enfance peut être un nid de vipères, dont notre petit garçon sera parfois partie prenante pour arriver à s’intégrer. C’est la vie d’un petit garçon, avec ses quelques traits communs à d’autres, mais dont le spectre de la déscolarisation est toujours là et contamine presque tous les aspects de sa vie.


En dehors de cette institutrice et de sa claque et de quelques personnes extérieures plus en retrait, le monde des adultes tente tant bien que mal de le faire se relever, de l’aider à prendre confiance, pour qu’il retrouve une scolarité normale. Différents instituteurs ou professeurs à domicile seront de la partie, mais les quelques efforts réalisés seront balayés à la prochaine crise, dans un va-et-vient de personnes aidantes au fil de sa jeunesse. Les parents sont là, bienveillants, mais discrets, le manga ne met pas vraiment de mots sur ce qu’ils peuvent penser de la situation, qu’ils subissent avec une tolérance le plus souvent muette.


En un tome unique de 300 pages, l’ensemble va vite, et il s’agit plus de présenter que d’expliquer, racontant la détresse d’un petit garçon et le flou de ses sentiments. La narration cyclique, entre essais et crises, nouvelles rencontres et nouvelles classes, peut lasser, mais raconte d’autant mieux la violence d’un mal indéfini qui revient sans cesse, comme une maladie chronique. Le manga est semi-autobiographique, c’est l’auteur Syochi Tanazono qui se met en jeu, et nul doute qu’il a cherché à présenter ce qu’il a subi avec le paravent de la pudeur d’une réinterprétation fictionnelle mais qui semble mince. Il nous le présente avec une grande sensibilité, et un trait simple et rond, sans aspérités pour cette tranche de vie. Il y a tout de même quelques maladresses, à l’image de ce petit garçon qui pense comme un adulte dans ses réflexions internes ou une narration si fluide qu’elle manque parfois d’emphases sur certains passages.


Le manga se termine tout de même brusquement, à l’image de ses quelques pages qui nous présentent l’auteur plus sûr de lui et plus sociable. Une évocation brutale de la suite de sa vie expliquée par une rencontre salutaire achève donc un peu trop rapidement ce récit.


Car si le mangaka n’a jamais réussi à être un « bon » écolier, son meilleur compagnon a été la bande-dessinée, et plus particulièrement celle de Dragon Ball Z dont il voue un culte fou. Sa solitude, il va notamment la combler par le dessin, qu’il abandonnera de nombreuses fois, pour « mieux » étudier, comme un plaisir honteux qu’il se refuse alors que sans le savoir il se perfectionne. Alors que c’est le dessin qui va le sauver, qui va lui permettre d’assumer sa personnalité, rappelant que si l’Art ou la Culture ne font pas des miracles, ils peuvent révéler chez Syochi Tanazono, chez nous et chez d’autres des forces qui nous aideront à vivre nos vies.


Syochi Tanazono est aujourd’hui mangaka et professeur de dessin.

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le 12 nov. 2024

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